Le gouvernement fédéral a bel et bien offert à Boeing de reprendre les discussions sur l'achat de 18 avions militaires si celle-ci abandonnait sa plainte contre Bombardier, a confirmé vendredi l'agence Reuters en s'appuyant sur trois sources au courant des négociations.

Le lien que faisait le gouvernement du Canada entre la plainte déposée par Boeing à l'endroit de Bombardier et une commande potentielle de plus de 5 milliards de dollars pour l'achat de 18 avions militaires Super Hornet était déjà connu depuis mai.

Dans une déclaration d'une rare franchise, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland avait déclaré à la mi-mai, trois semaines après le dépôt de la plainte de Boeing, que « le Canada revoyait ses achats militaires actuels qui impliquent Boeing ».

« Notre gouvernement va défendre les intérêts de Bombardier, de l'industrie aéronautique canadienne et de nos travailleurs de l'aéronautique », avait-elle poursuivi. Le gouvernement canadien avait ensuite gelé les négociations pour l'achat des avions de chasse.

Selon Reuters, la déclaration de Mme Freeland a mené à une offre formelle lors de négociations entre le gouvernement du Canada et Boeing, le mois dernier. L'ambassadeur du Canada aux États-Unis, David McNaughton, avait confirmé plus tôt cette semaine la tenue de ces négociations en dévoilant que les représentants de Boeing avaient quitté la table.

La position du Canada, indique Reuters, pourrait être affaiblie par le fait que le gouvernement souhaite réellement accorder le contrat à Boeing plutôt que de devoir se tourner vers d'autres options.

PRINTEMPS CRITIQUE

Une décision du département américain du Commerce dans ce dossier est attendue le 25 septembre prochain. Elle pourrait imposer des tarifs temporaires pouvant atteindre près de 80 % sur l'importation d'appareils de la C Series.

Une telle décision serait toutefois sans application concrète immédiate. Ces droits ne seraient effectivement imposés qu'à la livraison de l'appareil à un client américain. Or le seul acheteur américain de la C Series, Delta, ne doit recevoir ses premiers appareils qu'au printemps prochain.

La direction de Bombardier se consacre donc davantage au deuxième volet de l'enquête du département du Commerce, qui devrait aussi mener à une décision finale au printemps.

Interrogé par les journalistes mardi, à l'usine de Mirabel, le président de la division des avions commerciaux de Bombardier, Fred Cromer, a laissé entendre que l'entreprise ne se faisait pas trop d'illusions quant à la décision intérimaire, puisque le niveau de preuve requis de Boeing est relativement faible et « mathématique ».

Il s'attend toutefois à ce que la multinationale canadienne puisse obtenir gain de cause au moment de la décision finale, quand Boeing devra faire la démonstration de dommages qu'elle aurait subis. Or l'entreprise n'a jamais même participé à l'appel d'offres de Delta dans ce dossier, puisqu'elle n'offre pas d'avions de la taille requise par le transporteur.