Le gouvernement de Justin Trudeau est-il en train de jeter du lest dans ses négociations avec Bombardier concernant une aide de 1 milliard US? Chose certaine, Ottawa ne voit plus comme un obstacle les actions à droit de vote multiple qui donnent le contrôle de l'entreprise à la famille de son fondateur.

Hier au salon aéronautique de Farnborough, en périphérie de Londres, La Presse a demandé à trois reprises au ministre fédéral de l'Innovation, Navdeep Bains, s'il voyait comme un problème les actions à vote multiple de Bombardier. Chaque fois, il a répondu que les préoccupations du gouvernement étaient ailleurs.

«Nous voulons faire partie de la solution pour l'avenir et nous assurer que Bombardier est bien placée pour avoir du succès à long terme, a-t-il notamment déclaré. Ma priorité, j'en parle tout le temps, c'est les emplois.»

«Alors quand je parle aux gens de Bombardier, je leur demande combien d'emplois ils vont créer, combien ils vont investir en recherche et développement, où ils vont le faire. C'est très important. Et bien sûr, nous voulons nous assurer que nous gardons le siège social au Canada», explique Navdeep Bains.

En décembre, Bombardier a demandé au gouvernement Trudeau d'imiter Québec et d'investir 1 milliard US dans le programme d'avions C Series, dont le développement a coûté plus de 5 milliards US, soit 2 milliards US de plus que ce qui était prévu au moment du lancement, en 2008.

«Impressionnante»

M. Bains a profité de sa présence à Farnborough pour «constater de visu à quel point la C Series est impressionnante», a-t-il dit. 

Le ministre a visité l'intérieur de l'avion CS100 qui est en exposition statique au salon jusqu'à la fin de la semaine. La C Series «est une grande fierté en matière d'innovation pour le Canada», s'est-il exclamé.

Sur place, Navdeep Bains a aussi eu «une bonne rencontre» avec de hauts dirigeants de Bombardier, dont le PDG Alain Bellemare, qu'il a déjà reçu plus d'une fois à son bureau d'Ottawa ces derniers mois. Il n'a pas voulu dire hier si les deux parties s'approchaient d'un accord.

Québec est ravi



La ministre québécoise de l'Économie, Dominique Anglade, s'est réjouie de l'assouplissement de la position de son homologue fédéral. «Tout ce qui peut mener à une solution est positif», a-t-elle lancé hier à La Presse.

Pour Suzanne Benoît, PDG d'Aéro Montréal, il n'y a pas de doute: Ottawa se prépare lentement mais sûrement à venir en aide à Bombardier. «Je suis très confiante que le gouvernement fédéral sera au rendez-vous», a-t-elle affirmé.

La représentante de l'industrie a confié que des PME membres de son association s'étaient d'abord montrées réticentes à ce que les gouvernements investissent aussi massivement dans Bombardier, craignant que cela réduise les fonds publics à leur disposition.

«Mais finalement, même si certaines PME ont parfois des relations tendues avec Bombardier, le milieu reconnaît que ce serait désastreux si l'entreprise disparaissait», explique Mme Benoît.

En avril, Bombardier a rejeté une première offre d'investissement du gouvernement fédéral, la famille fondatrice refusant net de modifier la structure d'actions à vote multiple qui lui permet de garder le contrôle de l'entreprise même si elle ne détient que 13% de son capital. Dans les milieux économiques et politiques québécois, on estime généralement que c'est grâce aux actions à droit de vote multiple que la multinationale a pu éviter d'être acquise par des intérêts étrangers.

Des commandes plus tard cette année?



L'absence de commandes d'avions C Series à Farnborough jusqu'ici n'est pas de mauvais augure pour le reste de l'année, assure Bombardier. «Je pense que nous allons avoir beaucoup de succès dans la deuxième moitié de l'année», a déclaré hier le président de Bombardier Avions commerciaux, Fred Cromer, à l'agence Reuters, en faisant référence à «plusieurs commandes», notamment en Europe et en Asie. 

L'avionneur a annoncé hier sa toute première commande à Farnborough: Porter Airlines, de Toronto, achète trois avions turbopropulsés Q400, une affaire de 93 millions US selon les prix officiels, avant rabais. 

Présent au salon, le PDG de Porter, Robert Deluce, a indiqué qu'il espérait toujours convaincre les libéraux fédéraux de laisser le transporteur exploiter des avions C Series à l'aéroport Billy-Bishop de Toronto. «Nous n'avons pas repris les dépôts que nous avons versés à Bombardier» lors de la signature, en 2013, d'une entente d'achat portant sur 12 avions C Series, a dit M. Deluce.