La tragédie orchestrée par le copilote allemand Andreas Lubitz aurait peut-être été évitée si l'homme n'avait pas été laissé fin seul dans la cabine de pilotage. Et au Canada comme ailleurs dans le monde, les autorités et les compagnies aériennes ont annoncé qu'elles resserraient les règles de sécurité pour s'assurer qu'une telle situation ne se reproduise plus jamais.

Au Canada, la ministre des Transports, Lisa Raitt, a donné hier un « ordre provisoire » aux compagnies aériennes de maintenir en tout temps deux membres d'équipage dans la cabine de leurs appareils. Air Transat et Air Canada avaient déjà annoncé leur intention d'adopter une telle mesure dans la foulée de l'écrasement d'un Airbus A320 mardi dans les Alpes françaises. La ministre a demandé aux fonctionnaires « d'examiner toutes les politiques et procédures applicables pour assurer la sûreté et la sécurité des voyageurs ».

« Tout le monde se demande aujourd'hui ce qu'on aurait pu faire pour éviter un tel drame. À mon avis, ce n'est pas du côté des systèmes de sécurité qu'il faut regarder. La seule chose qui aurait eu des chances d'empêcher la tragédie aurait été d'avoir un membre d'équipage avec le copilote à l'intérieur du cockpit », a dit à La Presse Karl Moore, expert en aviation à l'Université McGill.

Hier, le procureur de Marseille responsable de l'enquête a affirmé que l'Airbus A320 a été détourné de son plan de vol de façon intentionnelle par le copilote, l'Allemand Andreas Lubitz. Celui-ci a profité du fait que le pilote était sorti momentanément de la cabine de pilotage, probablement pour aller aux toilettes, pour prendre les commandes de l'appareil et l'entraîner dans une descente inexorable.

Ironiquement, le copilote a exploité les mesures de sécurité visant à empêcher les terroristes d'accéder à la cabine de pilotage d'avions adoptées dans la foulée du 11 septembre 2001 pour se barricader dans la cabine de pilotage et empêcher le pilote d'y revenir.

Bien qu'on ne connaisse pas les motivations du copilote, il ne fait pas de doute qu'il a agi « intentionnellement » et voulait « détruire l'avion », a dit le procureur.

« Évidemment, dans ce cas-ci, les mesures de sécurité se sont retournées contre le pilote. Mais ce genre d'évènements est extrêmement rare et je ne crois pas qu'il faille remettre ces systèmes en question », dit Karl Moore, de McGill.

Aux États-Unis, la Federal Aviation Administration oblige déjà les compagnies aériennes à envoyer un membre d'équipage prendre la place du pilote ou du copilote si celui-ci quitte la cabine. Le transporteur à bas coûts britannique Easyjet, la Norwegian Air Shuttle et Icelandair ont aussi annoncé qu'ils maintiendront désormais deux membres d'équipage en tout temps dans la cabine de pilotage.

Selon Ruxandra Botez, spécialiste de la modélisation d'aéronefs à l'École de technologie supérieure, le pilote de Germanwings coincé à l'extérieur de la cabine a fait tout ce qu'il était humainement possible de faire pour sauver sa vie et celle des 149 autres personnes à bord de l'avion.

« Les informations précises sont souvent confidentielles pour des raisons de sécurité, mais depuis le 11 septembre, les portes des cabines sont blindées avec des matériaux très résistants », explique la spécialiste.

« Aucun système au monde ne pourrait empêcher » l'acte du copilote, a aussi dit hier Carsten Spohr, le patron de Lufthansa, maison mère du transporteur à bas coûts Germanwings.

Une source autorisée dans le monde aéronautique qui participe à l'enquête sur l'écrasement de l'avion de Germanwings affirme qu'il n'est pas rare que les entreprises cachent une hache ou un pied-de-biche au fond de l'avion pour les situations d'urgence. Le pilote aurait peut-être pu tenter de défoncer les cloisons du cockpit avec un tel instrument, mais le succès aurait été loin d'être assuré.

« Il n'est pas certain qu'il avait le temps de se rendre au fond de l'avion pour prendre la hache. S'il l'avait fait, il aurait déclenché une panique immédiate parmi les passagers et aurait peut-être poussé le copilote à accélérer la descente de l'avion », dit cette source.

- Avec Audrey Ruel-Manseau et Joël-Denis Bellavance