Une série de transactions immobilières devant aboutir à la construction d'un terminal à l'aéroport de Saint-Hubert a été entachée par des «irrégularités importantes», affirment des entreprises d'aviation. Dans une poursuite intentée cette semaine, elles demandent à la Cour supérieure de les annuler, accusant au passage des administrateurs de l'aéroport et de la Ville de Longueuil de s'être placés en situation de conflits d'intérêts.

Il y a deux ans, l'organisme à but non lucratif qui administre l'aéroport, DASH-L, s'est associé une entreprise privée, la Corporation DEV-YHU, pour former la société Aérocentre YHU Longueuil. La coentreprise visait à doter l'aéroport d'un terminal. Pour ce faire, DASH-L a acquis un immeuble appartenant à DEV-YHU pour 3 millions de dollars. Or, selon un rapport de vérification de la firme KPMG, une partie de cette somme a été empochée par les dirigeants de DEV-YHU sous forme de salaires, de frais de déplacement et de télécommunications. L'un de ceux-ci siège au conseil d'administration de DASH-L.

Ce même rapport souligne que, pour financer l'acquisition, DASH-L a vendu 85 hectares de ses propres terrains à la Ville de Longueuil sans tenter d'en maximiser la valeur.

Aérocentre YHU Longueuil a récemment signé un bail emphytéotique qui lui permettra d'occuper l'ancien immeuble de DEV-YHU pour 60 ans, et d'y bâtir le terminal. La première pelletée de terre n'a toujours pas eu lieu.

Un petit groupe d'entreprises d'aviation affirme qu'il s'agit d'une «liquidation illégale et abusive des «ressources» de DASH-L». Il demande au tribunal de les annuler.

Le groupe souligne que les lettres patentes de l'organisme ne permettent pas à sa direction d'acquérir et de vendre des terrains sans obtenir l'aval de ses membres à l'occasion d'une assemblée extraordinaire, une démarche qui n'aurait jamais eu lieu, selon la poursuite.

La requête allègue par ailleurs que trois dirigeants de l'aéroport se sont placés en situation de conflit d'intérêts en raison des multiples fonctions qu'ils occupent. La requête vise d'abord Guy Benedetti, à la fois directeur général de la Ville de Longueuil et membre du conseil exécutif de DASH-L. Le grand patron d'Aérocentre YHU Longueuil, Gordon Livingstone, lui, est à la fois actionnaire de la Corporation DEV-YHU et administrateur de DASH-L. Quant au président de DASH-L, Pierre-Hugues Miller, il est réputé proche de la mairesse de Longueuil, Caroline St-Hilaire.

Le directeur général de Longueuil, Guy Benedetti, s'explique mal les accusations portées contre lui par les entreprises. D'autant plus qu'il n'a été nommé administrateur de DASH-L qu'en février 2010, soit près d'un an après les transactions immobilières.

«Je n'ai jamais eu aucun intérêt personnel dans quelque transaction que ce soit, a-t-il dit. J'agis, chez DASH-L, à titre bénévole. Je suis désigné par le conseil d'agglomération, ce qui est public. Personne ne peut dire que c'est caché que je sois directeur général de Longueuil.»

Le premier fonctionnaire de la Ville de Longueuil se demande si un différend commercial n'est pas à l'origine de cette nouvelle poursuite, la quatrième contre DASH-L en un peu plus d'un an.

Le transporteur Pascan, l'une des entreprises qui participent au recours, a déjà investi des millions dans ses installations de la route de l'Aéroport. L'entreprise, dirigée par les hommes d'affaires Serge Charron et Denis Charest, est déjà impliquée dans trois autres poursuites contre DASH-L.

«Il y a des gens qui ont des intérêts pécuniaires individuels qui sont complètement distincts de ceux de DASH-L», convient Pierre-Hugues Miller, président de l'organisme à but non lucratif.

Selon lui, MM. Charron et Charest souhaitaient eux-mêmes bâtir un terminal privé sur l'emplacement de l'aéroport, un projet que DASH-L a refusé, lui préférant celui de Gordon Livingstone, de la Corporation DEV-YHU.

M. Livingstone, qui dirige Aérocentre YHU Longueuil, a préféré réserver ses commentaires le temps que ses avocats prennent la mesure de la poursuite.

«Nous serons heureux de remettre les pendules à l'heure dans cette histoire, a-t-il tenu à préciser. Il y a beaucoup d'allégations dans ce document et j'ai hâte de corriger certains faits.»

La requête survient deux semaines après une vague de démissions au conseil d'administration de DASH-L. Trois des quatre administrateurs désignés par la chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud ont quitté leurs fonctions par crainte d'être poursuivis. L'assureur de DASH-L ne les couvre plus en cas de recours juridiques.