La livraison du premier avion de la nouvelle famille CSeries de Bombardier (T.BBD.B) sera retardée d'au moins un an et demi, prédit un analyste bien connu de l'industrie.

Et en y allant de cette prévision, Richard Aboulafia, de la firme américaine Teal Group, estime être «extrêmement optimiste». Bombardier prévoit l'entrée en service de la CSeries au deuxième semestre de 2013.

Pour justifier son point de vue, M. Aboulafia relève que l'entreprise chinoise responsable de fabriquer le fuselage de la CSeries, Shenyang Aircraft Corporation, n'a jamais réalisé de projet de cette ampleur. Il rappelle en outre qu'un autre des sous-traitants clés de la CSeries, l'italien Alenia Aeronautica, est l'un des fournisseurs qui a connu le plus de retards dans le cadre du futur 787 Dreamliner de Boeing.

La grande place qu'accorde Bombardier à des partenaires externes pour la conception de composants clés de la CSeries accroît les risques, a noté l'analyste.

«Ce que Bombardier essaie de faire est aussi ambitieux et difficile que ce que Boeing fait avec le 787, sauf qu'il le fait avec des gens qui n'ont jamais rien fait de tel auparavant», a lancé Richard Aboulafia au cours d'un entretien téléphonique, mercredi.

L'analyste reconnaît que jusqu'à présent, la CSeries respecte son échéancier, notamment en ce qui a trait à la livraison du premier fuselage et des essais du moteur, conçu par Pratt & Whitney. Il s'empresse toutefois d'ajouter que le respect de jalons semblables n'a pas empêché Boeing de cumuler les retards sur le Dreamliner.

De son côté, Bombardier Aéronautique fait remarquer qu'il a commercialisé de nombreux nouveaux avions en respectant ses échéanciers au cours des dernières années.

À cela, Richard Aboulafia rétorque que la plupart des produits mis au point par Bombardier étaient des dérivés d'appareils déjà existants. L'avionneur a notamment mis en service plusieurs versions allongées du jet régional CRJ.

«La CSeries, c'est différent: il s'agit d'un avion complètement nouveau dans un segment du marché où Bombardier n'a jamais mis les pieds», a-t-il affirmé.

L'automne dernier, les grands patrons de l'avionneur ont commencé à reconnaître qu'un retard constituait leur principale source de préoccupations à l'égard de la CSeries. Ils ont toutefois souligné que Bombardier s'est donné plus de temps pour mener à bien la CSeries (plus de cinq ans) que Boeing pour son Dreamliner (quatre ans initialement).

De plus, conscient des problèmes qu'a connus Alenia avec le Dreamliner, Bombardier s'est montré très exigeant envers le fabricant italien et entend le suivre à la trace, a confié en novembre dernier un haut dirigeant de la multinationale montréalaise, Ben Boehm, à la publication spécialisée Flightglobal.

Même s'il est généralement perçu comme étant sceptique face à la CSeries, M. Aboulafia ne croit pas que d'éventuels retards condamneront la future gamme d'avions de 110 à 149 places.

«Des retards réduiraient la fenêtre dont dispose Bombardier avant l'arrivée de l'A320neo (la version remotorisée des avions monocouloirs d'Airbus, attendue en 2016), a-t-il analysé. Mais je ne pense pas qu'en bout de piste, ça changera grand-chose. (...) Ça n'aidera pas, mais Bombardier (s'en tirera) s'il arrive à livrer un produit que les gens veulent.»

L'action de Bombardier a clôturé à 6,25 $ mercredi, en baisse de 0,3%, à la Bourse de Toronto.