Quel lien y-a-t-il entre un vendeur de fleurs de Montréal, la Caisse de dépôt et placement du Québec et le transporteur Air Canada? Ils sont tous en train de pester à divers degrés contre un volcan islandais au nom impossible à prononcer.

La perturbation des vols européens causée par les cendres de l'Eyjafjallajökull provoque en effet des maux de tête chez certaines entreprises d'ici.

Prenez Jean-Claude Foucault, un homme qui se dit «extrêmement occupé» actuellement. L'entrepreneur dirige le grossiste en fleurs Fleurexpert. En temps normal, environ la moitié de ses tulipes, lys et autres chrysanthèmes arrivent d'Europe par avion-cargo. Mais depuis que les vols ont été perturbés, ses fleurs n'arrivent plus.

«On essaie d'obtenir ces produits d'ailleurs. L'Ontario en produit plusieurs, mais ça coûte plus cher. On regarde aussi du côté de l'Amérique du Sud, mais là, ce sont les délais.»

M. Foucault estime qu'il perd entre 60 000 et 70 000$ par jour depuis les perturbations des vols européens.

«C'est sûr que certains produits vont finir par arriver; on va rattraper une partie de ces pertes. Tout ce qu'on souhaite, c'est que ça rentre dans l'ordre avant la fête des Mères (le 9 mai)», dit-il.

M. Foucault fait cependant partie des rares malchanceux.

«C'est clair que ça touche une portion assez limitée des entreprises exportatrices», dit Simon Prévost, président de Manufacturiers et exportateurs du Québec.

M. Prévost rappelle que moins de 15% des exportations québécoises prennent le chemin de l'Europe, et que la grande majorité d'entre elles le font par bateau. Seules les entreprises qui importent ou exportent des produits frais par avion sont donc affectées.

Déjà 20 millions de pertes dans l'aérien?

Le portrait est évidemment tout autre dans le secteur aérien, où Air Canada, Air Transat et Aéroports de Montréal sont directement victimes de ce qu'on décrit comme une catastrophe pire que le 11 septembre 2001.

Selon l'analyste indépendant Robert Kokonis, Air Canada perd environ 3 millions par jour depuis que le chaos s'est installé dans le ciel européen, contre 750 000$ pour le voyagiste Air Transat.

Depuis le déclenchement des problèmes, l'industrie canadienne du transport aérien aurait ainsi perdu 20 millions.

Air Canada, qui a dû annuler 160 vols depuis 5 jours, réplique qu'il est «prématuré» et «spéculatif» de quantifier les pertes puisque «de nombreux clients qui devaient voyager ces derniers jours pourront le faire à une date ultérieure». Air Canada souligne par ailleurs qu'elle économise les frais de carburant et d'atterrissage quand ses vols sont annulés.

Chez Transat, qui a reporté huit vols depuis les événements et s'apprêtait hier à en reporter trois autres, on se réjouit de voir que la catastrophe tombe entre la saison des destinations du Sud et celle de l'Europe.

«C'est sûr qu'il y a un impact, mais l'effet serait beaucoup plus fort si on était au mois de juillet», dit Jacques Bouchard, porte-parole d'Air Transat, qui refuse aussi de quantifier les pertes financières.

Louis Gialloreto, ancien analyste du secteur aérien aujourd'hui directeur exécutif de l'Institut de formation des cadres de McGill, estime qu'Air Canada pourra rattraper une partie de ses pertes grâce aux voyageurs d'Asie qui tentent de se rendre en Amérique du Nord sans passer par l'Europe en survolant le Pacifique.

L'action d'Air Canada a baissé hier avant de reprendre du terrain et clôturer au même point que vendredi, à 2,50$; celle d'Air Transat a perdu 0,9% à 13,47$.

La Caisse de dépôt est aussi exposée à la crise par le truchement d'un placement de plus de 500 millions dans BAA Airport, propriétaire des aéroports londoniens Heathrow et Stanstead. Selon un analyste cité hier par l'agence Reuters, BAA perd actuellement 4 millions d'euros par jour; la Caisse a cependant refusé de commenter la situation.

Aéroports de Montréal est aussi victime des annulations de vols: elle touche moins de frais de décollage et d'atterrissage, collecte moins de «frais d'amélioration aéroportuaire» auprès des voyageurs et enregistre moins de dépenses dans ses boutiques et restaurants.

«On connaîtra les chiffres à la fin du mois», dit Stéphanie Lepage, conseillère en communications.

L'Association du transport aérien international a vivement critiqué hier les gouvernements européens pour leur «manque de leadership concernant les restrictions de l'espace aérien». L'Association calcule que l'ensemble du secteur aérien perd 200 millions US par jour depuis l'éruption du volcan.