Air Canada (t.ac.b) pourrait éviter une grave crise de liquidités grâce à une bouée de sauvetage d'environ 600 millions de dollars, dont le tiers proviendrait d'Ottawa.

Et ce, après les ententes spéciales conclues tard lundi soir avec les deux derniers syndicats - les pilotes et les agents de bord - qui hésitaient à emboîter le pas aux trois autres grands syndicats du transporteur.

Mais avant même qu'un tel scénario se confirme, les investisseurs boursiers ont vite manifesté leur appréciation, hier, peu après l'annonce des ententes syndicales.

Ils ont poussé les actions d'Air Canada (catégorie A) en hausse jusqu'à 20% en cours de séance, à contre-courant d'un marché baissier.

Elles ont terminé en hausse plus modeste de 8%, à 1,62$.

Selon l'analyste Jacques Kavafian, spécialiste en transports chez Research Capital à Toronto, tout indique qu'Air Canada pourrait éviter le pire à très court terme, c'est-à-dire une crise de liquidités qui la pousserait en protection de faillite pour la deuxième fois en quelques années à peine.

Mais selon l'analyste David Newman, de la Financière Banque Nationale, ce répit financier d'Air Canada, même salvateur, pourrait s'avérer de courte durée sans un rebond rapide du marché aérien.

Entre autres, malgré la «stabilisation des relations de travail» et le moratoire convenu sur de gros paiements spéciaux aux caisses de retraite, le transporteur fait encore face à un peu plus de 600 millions en renouvellement de titres de dette au cours des prochains mois.

«Les éléments d'affaires fondamentaux d'Air Canada demeurent très défavorables», note M. Newman dans un avis distribué à ses clients-investisseurs.

Néanmoins, à l'avantage immédiat du transporteur, les échos en provenance d'Ottawa à propos d'un coup de pouce fédéral étaient de plus en plus favorables, en fin de journée hier.

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a confirmé qu'Air Canada négociait un prêt à conditions particulières avec Exportations et Développement Canada (EDC).

EDC est la société d'État qui fournit le plus d'aide financière aux entreprises canadiennes qui font affaires sur les marchés internationaux.

Un prêt spécial à Air Canada pourrait provenir du programme Compte Canada de la société EDC, qui est prévu pour assister les entreprises considérées d'intérêt national.

Selon des informations partielles qui circulent dans la presse parlementaire et financière, Air Canada demanderait un coup de pouce fédéral d'au moins 200 millions.

Ce prêt spécial serait la pièce maîtresse d'un montage financier qui totaliserait 600 millions, ce qui correspond aux fonds d'urgence requis par le transporteur pour éviter la crise de liquidités.

En fait, selon Air Canada, cette somme servira surtout à maintenir ses liquidités au-dessus du seuil minimum des 800 millions qui est requis par ses principaux fournisseurs de services de cartes de crédit.

Ententes spéciales

Entre-temps, le contenu des ententes spéciales conclues entre Air Canada et ses principaux syndicats promet de faire jaser chez tous les gros employeurs syndiqués au Canada.

En particulier chez ceux qui sont aux prises avec d'importants paiements spéciaux pour le déficit de caisses de retraite, alors que leurs résultats d'exploitation sont très affectés par la récession et les conséquences de la grave crise financière de l'automne 2008.

Chez Air Canada, ce sont des paiements spéciaux de l'ordre de 645 millions auxquels le transporteur faisait face au cours des prochains mois.

De plus, ces paiements s'annonçaient alors que le transporteur empile déjà des déficits d'exploitation à coups de centaines de millions de dollars par trimestre.

Mais avec ses principaux syndicats, Air Canada a finalement convenu d'un moratoire de presque deux ans sur ces paiements spéciaux aux caisses de retraite.

De plus, ce moratoire de 21 mois inclut le statu quo des conventions collectives, qui étaient dues en renouvellement, ainsi que l'absence de grève et de lock-out.

En échange, les syndicats ont obtenu d'Air Canada le versement à leurs caisses de retraite des prochaines actions émises par le transporteur, jusqu'à hauteur de 15% de tout son capital-actions.

Aussi, les principaux syndicats obtiendront un siège au conseil d'administration du transporteur.

Ces ententes syndicales doivent encore entérinées par le conseil d'Air Canada, ce qui ne suscite aucun doute à ce moment-ci.

Quant au moratoire des paiements spéciaux aux caisses de retraite, il devra aussi être autorisé par le Bureau fédéral du surintendant des institutions financières. Ce bureau surveille les régimes de retraite des grandes entreprises sous juridiction fédérale.

Mais là aussi, le feu vert suscite peu de doutes.

Surtout après la nomination par le gouvernement Harper, il y a deux semaines, d'un médiateur spécial chez Air Canada. Et qui s'est avéré être l'ex-juge torontois qui avait supervisé la protection de faillite de l'entreprise, il y a quelques années.

Avec La Presse Canadienne et Bloomberg