Pas de nouveaux droits majeurs pour les consommateurs. Beaucoup de mesures « recyclées » déjà en vigueur. Les associations de consommateurs et les experts ne sont pas emballés par le nouveau projet de loi C-86 du gouvernement Trudeau en matière de droits des consommateurs face aux banques. Ils y vont de cinq suggestions à Ottawa pour bonifier le projet de loi.

« Il n'y a pas de nouvelle protection substantielle [pour les consommateurs]. [...] C'est un bon premier pas, mais ce n'est pas la moitié du travail. Ça crée le contenant, et on souhaite qu'ils le remplissent éventuellement de droits pour les consommateurs », dit John Lawford, directeur du Centre pour la défense de l'intérêt public, un organisme de défense des consommateurs.

« Je ne suis pas ébloui. Il faut applaudir toute modification qui apporte des protections supplémentaires, mais ça ne va pas assez loin. C'est une opération beaucoup plus de consolidation que de nouvelles protections », dit Pierre-Claude Lafond, professeur en droit de la consommation à l'Université de Montréal.

« C'est un bon projet de loi, mais il est perfectible. J'aurais aimé que ça aille plus loin », dit Marc Lacoursière, professeur de droit bancaire à l'Université Laval.

Le projet de loi reprend essentiellement les mesures dans les règlements fédéraux actuels. D'autres mesures sont aussi en vigueur au Québec par l'entremise de la Loi sur la protection du consommateur (LPC). Le projet de loi comporte trois principales nouveautés. 

Primo, la loi précise des principes généraux de comportement responsable pour une banque, dont l'interdiction d'exercer des pressions indues. L'Agence de la consommation en matière financière du Québec devra désormais nommer les banques fautives à la suite de ses enquêtes (elle n'était pas obligée de le faire) et le montant des pénalités a été augmenté à 10 millions. Finalement, les deux organismes de règlement de plaintes devront être plus transparents.

CE QUI EST ABSENT, SELON LES EXPERTS CONSULTÉS

1. PAS D'ENCADREMENT DES PÉNALITÉS POUR LES PRÊTS HYPOTHÉCAIRES

Vous vendez votre maison avant la fin de votre hypothèque ? Vous devez généralement payer des pénalités pour compenser la banque sur les intérêts à être payés d'ici la fin du prêt. « Comme ce n'est pas encadré, les banques ont le libre jeu de changer ces frais. On aurait pu encadrer ce type de frais », dit le professeur Marc Lacoursière.

2. PAS DE VERSEMENT MINIMAL SUR UNE CARTE DE CRÉDIT

Au Québec, on doit faire un versement minimum de 5 % chaque mois sur sa carte de crédit. Il n'y aura pas d'obligation du genre dans le projet de loi fédéral. « Ça augmente le surendettement », dit le professeur Marc Lacoursière.

3. ÉTENDRE LA RESPONSABILITÉ AUX CARTES DE DÉBIT

En cas de vol ou fraude, un détenteur de carte de crédit n'est responsable que pour la somme de 50 $. Cette limite de 50 $ devrait être étendue aux cartes de débit, selon le professeur Pierre-Claude Lafond. « C'est le même problème qu'avec la carte de crédit, et la carte de débit n'est plus un instrument marginal », dit-il.

4. PAS DE CODES POUR DES PRODUITS SPÉCIFIQUES

Depuis cinq ans, le Centre pour la défense de l'intérêt public demande à Ottawa d'imposer des codes aux banques pour certains produits spécifiques, comme l'ont fait l'Australie et l'Irlande.

Deux exemples ? Dans le cas d'un compte conjoint, on force la banque à obtenir le consentement des deux conjoints en cas de changement significatif au compte (ce qui empêcherait un conjoint de vider le compte après une séparation). On force aussi la banque à obtenir un consentement dans une salle séparée d'un parent qui sert de caution pour un prêt de son enfant.

5. FRAIS ET SERVICES

Le professeur Pierre-Claude Lafond estime qu'Ottawa aurait dû en profiter pour encadrer les frais sur les comptes bancaires personnels et les services minimaux à offrir à la population. « C'est une tendance très lourde des banques de couper les services », dit M. Lafond. Ce dernier estime aussi qu'il faut mieux encadrer l'information donnée par les banques sur les « hypothèques parapluies », qui réunissent plusieurs types de crédit, en raison de la complexité de produit.

L'Association des banquiers canadiens n'a pas voulu faire de commentaires avant d'avoir terminé son étude du projet de loi.