Même si d'autres banques décident de le faire, la Banque Nationale n'a pas l'intention de devenir prêteur ou souscripteur pour aider des entreprises du secteur de la marijuana à financer leurs activités une fois que le cannabis récréatif sera légal. La position de la banque sur le pot et plusieurs autres sujets ont été abordés hier avant, pendant et après l'assemblée annuelle des actionnaires de la banque qui s'est déroulée à Drummondville.

Prudence avec le pot

« Je reste très, très prudent », a dit Louis Vachon en parlant de l'industrie du cannabis. Parmi ses préoccupations, le PDG de la sixième banque au pays souligne les risques de poursuites. « Il y a des risques importants de recours collectifs. Les effets sur la santé sont quand même assez documentés. Si l'industrie de la cigarette a opéré durant 50 ans sans voir un recours collectif, je pense que ça prendra 50 semaines ou 50 mois avant l'apparition d'un recours collectif important contre les producteurs et distributeurs de cannabis. » Le marché noir va demeurer très présent, selon lui, et représenter une concurrence féroce pour les producteurs et pour les distributeurs légaux, ce qui exercera une pression à la baisse sur les prix. Il y a aussi des risques importants pour une banque, étant donné l'incertitude réglementaire aux États-Unis, dit-il. « Il faudra nous convaincre que les modèles d'affaires peuvent survivre à ces risques. »

10 étages de plus

Louis Vachon a aussi indiqué que la première pelletée de terre du nouveau siège social que la banque s'apprête à se faire construire en face de la Tour de la Bourse dans le Vieux-Montréal aura lieu en septembre. Il a précisé que le nouveau domicile de l'institution financière compterait 10 étages de plus que prévu, donc 46 étages (200 mètres de hauteur, soit le maximum permis), « parce que tous les bureaux d'architectes ayant soumis des propositions l'ont recommandé afin que l'effet soit plus marquant », dit Louis Vachon. « Ça demeure un million de pieds carrés. Les étages seront plus petits et les coûts restent sensiblement les mêmes. » Le PDG a souligné qu'une des six soumissions reçues avait été retenue, mais puisqu'il reste des détails à ficeler, l'annonce officielle se fera plus tard cette année.

Le chèque disparaîtra avant le guichet

Louis Vachon ne croit pas que les guichets sont appelés à disparaître. « Je pense qu'ils seront là dans 20 ans. Ils existeront encore et il y en aura encore beaucoup. J'en suis convaincu. La bataille n'est pas là. Il faut plutôt voir comment remplacer les chèques par du B2B [entreprise à entreprise]. C'est la prochaine grande transformation dans le monde bancaire. Les chèques ont disparu dans plusieurs États en Europe. Des discussions se déroulent présentement entre les banques et l'Association canadienne des paiements, et on s'en va dans cette direction-là. Je ne crois pas qu'il y aura encore des chèques dans 10 ans. Mais le guichet sera encore là. »

Pression sur l'action

Un actionnaire a par ailleurs interpellé le PDG au sujet du repli de 10 % de l'action de la banque depuis le 22 janvier. « Mon ami Richard Fortin me faisait remarquer que les actions de Couche-Tard avaient aussi reculé. Toutes les actions de banques ont baissé. Ça n'a rien à voir avec la performance de la Banque Nationale ni avec celle des banques en général. Le marché avait beaucoup monté, alors on a eu une certaine correction. » Il y a beaucoup de bruit dans le marché, ajoute Louis Vachon. « L'ALENA, les sanctions économiques entre la Chine et les États-Unis, etc. Ce bruit a encouragé les investisseurs - petits, moyens et grands - à prendre des profits et à réduire leur pondération en actions. Ça ne ressemble pas à une fin de cycle boursier, car dans une telle situation, il y a beaucoup plus d'exubérance dans le marché. Je vois beaucoup plus de peur que d'exubérance actuellement. »

Fini le bitcoin sur les cartes de crédit

À l'instar d'autres institutions bancaires, la Banque Nationale s'apprête à interdire d'ici quelques semaines les transactions sur le bitcoin avec les cartes de crédit. « On n'a pas détecté un grand nombre de transactions. C'est quelque chose de plus important dans le monde asiatique. La technologie est notamment utilisée par les Chinois pour contourner les règles de restrictions de capital en Chine. C'est une des raisons qui ont propulsé les cryptomonnaies. Les Chinois ont resserré le contrôle sur les mouvements de capitaux. C'est plus difficile pour un Chinois de sortir de l'argent de Chine. Pour contourner les règles, ils ont commencé à investir dans les bitcoins dans le but de les échanger éventuellement contre des dollars US. Il y avait des aspects spéculatifs et anticipatifs, mais aussi une intention de contourner les règles de transfert de capitaux en Chine », dit Louis Vachon.

Projet pilote sur la chaîne de blocs

La banque a annoncé hier qu'elle procédait à une émission de 150 millions US de certificats de dépôt négociables traditionnels tout en testant en parallèle la technologie de la chaîne de blocs pour faire le suivi du règlement des transactions. Une première en Amérique du Nord, a dit Louis Vachon. « C'est un projet pilote d'un an aux États-Unis en partenariat avec JP Morgan. On verra ce que ça donne. On pourrait importer ça au Canada. On y pense. L'objectif serait de remplacer les modes de règlement traditionnel des obligations par un système privé. Ça serait un registre de transactions à accès contrôlé. Il faudrait être un investisseur obligataire ou un mainteneur de marché pour joindre. Tout le registre comptable des transactions serait disponible, ce qui permettrait un règlement sur une base plus rapide et efficace. »

Photo Martin Chamberland, Archives La Presse

Selon Louis Vachon, PDG de la Banque Nationale, les guichets automatiques ne sont pas appelés à disparaître.

Infographie La Presse