Le nouveau PDG d'Investissement Québec (IQ), Mario Albert, veut faire le ménage dans les activités de capital de risque de la société d'État.

«Nous sommes présents dans 77 fonds de capital de risque. Je pense qu'il faut optimiser notre participation là-dedans», a déclaré hier M. Albert en entrevue éditoriale à La Presse.

L'ancien haut fonctionnaire est à la tête du bras financier du gouvernement depuis le début de juillet. Il était le grand patron de l'Autorité des marchés financiers quand on lui a demandé de remplacer au pied levé le banquier Jacques Daoust, que le gouvernement péquiste a remercié après sept ans de service.

Chaque année, IQ investit une centaine de millions dans le capital de risque. Ses actifs dans ce créneau dépassent actuellement les 850 millions. Plus de 600 PME ont bénéficié de ces investissements.

Mario Albert s'interroge sur les frais de gestion facturés par certains fonds de capital de risque dans lesquels IQ investit. «Des fois, on trouve que les frais sont élevés», glisse-t-il. Il veut aussi avoir une meilleure idée des résultats concrets des investissements réalisés par les fonds.

«Il faut se donner un cadre d'intervention plus précis, plus clair, affirme-t-il. On se pose parfois la question: «Est-ce que l'argent aboutit là où on veut qu'il aboutisse?» »

M. Albert reconnaît du même souffle que les fonds de capital de risque jouent un rôle très utile en épaulant les entreprises en démarrage qui ont besoin de conseils de gestion. «Certains souhaiteraient qu'on investisse directement dans les entreprises en démarrage, mais je serais un peu nerveux de faire ça, compte tenu du risque.»

À la demande de l'ancien gouvernement libéral, IQ a déboursé environ 200 millions pour créer 46 fonds d'intervention économique régionaux (FIER) depuis 2005. Comme les périodes d'investissement de ces fonds tirent à leur fin, M. Albert promet de faire un bilan complet de cette aventure. Rappelons qu'en 2009, le vérificateur général avait relevé des irrégularités dans la gestion de certains FIER.

«Il s'est créé des emplois, il s'est créé des entreprises, note le PDG. Il y a des FIER qui ont mieux marché que d'autres. Il y en a qui ont fait des profits importants, d'autres qui ont perdu beaucoup d'argent.»

Pour Mario Albert, un tel constat n'a rien d'alarmant. «Chez les investisseurs institutionnels, tout le monde perd de l'argent dans le capital de risque. La vraie question, c'est la création d'entreprises et d'emplois. Est-ce que les bénéfices économiques sont défendables par rapport aux pertes qu'on fait?»

Selon IQ, les FIER ont permis de créer ou de sauvegarder plus de 9200 emplois depuis 2005.

Fonds de travailleurs

Investissement Québec suit de près le dossier des fonds de travailleurs, qui pourraient réduire leurs investissements en capital de risque avec l'élimination graduelle du crédit d'impôt fédéral.

«S'il devait y avoir moins d'investissements dans des créneaux particuliers, c'est clair qu'on pourrait ajuster nos stratégies pour prendre la place, indique Mario Albert. Mais ce ne sera pas automatique.»

Le dirigeant a par ailleurs reconnu que le projet du gouvernement péquiste de transformer IQ en Banque de développement économique du Québec, qui a avorté au printemps, «a placé l'organisation en attente».

«Quand on sait qu'on va peut-être devenir la Banque de développement, on n'investit pas dans des campagnes de visibilité à l'international», a-t-il illustré. Mais comme le projet ne fait plus partie des priorités immédiates de Québec, la machine est repartie.

«Je sais que le projet n'est pas mort, mais je ne fonctionne pas en fonction de la Banque de développement, a-t-il dit. Mon mandat, c'est de faire marcher IQ et c'est ce que je fais.»

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Mario Albert sur...

Les ressources

«Personne ne tourne le dos au minier»

Depuis deux ans, la filiale Ressources Québec a ralenti ses investissements. C'est en raison de la conjoncture mondiale et non à la suite d'un changement d'orientation gouvernementale, assure Mario Albert. Il donne l'exemple de la mine de diamants Stornoway, aux monts Otish, où il faut 1 milliard pour lancer l'exploitation de la mine. Investissement Québec est prêt à en avancer une partie mais attend les OMERS, Caisse de dépôt, fonds privés et autres pour monter le financement.

Le rôle d'IQ dans l'économie

«Il faut qu'on s'implique plus»

Mario Albert voudrait voir ses 450 employés prendre plus d'initiatives et occuper plus de place dans le développement économique des régions. Il veut les voir proactifs; quand un client expose ses besoins, que l'employé IQ lui propose une solution, quitte à trouver l'argent auprès de partenaires, s'il le faut! Il veut voir cet état d'esprit dans tous les dossiers, petits et grands.

L'acceptabilité sociale

«On a un rôle à jouer pour créer un mood favorable aux projets»

Le grand patron d'IQ est prêt à prendre le bâton du pèlerin et à aller expliquer aux populations locales les bienfaits économiques des projets dans lesquels la société d'État investit. Elle l'a fait à Mine Arnaud, à Sept-Îles, où le projet est loin de faire l'unanimité. «Le débat ne sera que plus équilibré», dit-il, en référence aux opposants qui ont l'habitude de bien faire entendre leurs arguments sur la place publique.

L'électrification des transports

«On s'intéresse aux constructeurs d'automobiles, pas juste américains»

IQ a déjà commencé son travail de démarchage à l'international pour attirer au Québec de grands donneurs d'ordres du secteur de l'auto électrique, nous apprend son PDG. Si l'industrie automobile canadienne est concentrée en Ontario, la pointe de tarte appartenant au Québec s'élargit quand on considère l'industrie du matériel roulant dans son ensemble, fait valoir M. Albert. Les candidats potentiels rencontrés ont été réceptifs. Dans le cadre de sa politique économique, le gouvernement a réservé 50 millions pour attirer un acteur majeur.

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MARIO ALBERT: UN FONCTIONNAIRE DE CARRIÈRE

Mario Albert: un fonctionnaire de carrière

Âge: 56 ans

PDG d'Investissement Québec depuis le 2 juillet 2013

PDG de l'Autorité des marchés financiers de 2011 à 2013

Il a travaillé au ministère des Finances du Québec de 1994 à 2007

Au ministère des Finances du Canada pendant 12 ans

Titulaire d'un baccalauréat et d'une maîtrise en économie de l'Université Laval

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INVESTISSEMENT QUÉBEC

101 millions

Profits nets

4,1%

Rendement des capitaux propres

1 milliard

Financement autorisé

17

Nombre de bureaux au Québec

12

Nombre de bureaux dans le monde

483

Nombre d'employés

Principaux investissements:

> SOQUEM (exploration minière)

> Mine Arnaud (projet de mine d'engrais à Sept-Îles)

> Kruger Wayagamack (pâtes et papiers)

> Cepsa (pétrochimie)

> Stornoway (projet de mine de diamants)

> Aluminerie Alouette

> Le Massif (villégiature)

Source: rapport annuel. Données de l'exercice 2012-2013