«Allez-vous-en ailleurs!» tel pourrait être le slogan de la prochaine campagne publicitaire du fonds Capital régional et coopératif Desjardins. Ironiquement, le fonds qui donne droit à un crédit d'impôt équivalent à 50% de son investissement fait face à un curieux problème. Il devra inviter ses investisseurs des premières années à vendre leurs parts à défaut de quoi le fonds se verra limité dans l'émission de nouvelles actions en 2011.

Créé en juillet 2001, Capital régional et coopératif Desjardins (CRCD) donne droit à un crédit d'impôt maximum de 2500$ par année pour une cotisation annuelle de 5000$. En contrepartie de l'avantage fiscal, l'investisseur ne peut retirer son argent avant sept ans. De son côté, Desjardins s'engage à investir les sommes qui lui sont confiées dans les régions et les coopératives. Les premiers rachats d'actions ont été autorisés en 2008.

«On est un peu victimes de notre succès. Nos actionnaires ne sortent pas après sept ans et ça en empêche d'autres d'entrer, fait savoir Marie-Claude Boisvert, chef de l'exploitation de Desjardins Capital de risque, gestionnaire de CRCD. La situation ennuie Desjardins au point où CRCD invitera prochainement certains de ses clients à retirer leurs billes du fonds.

«On essaie de stimuler les rachats auprès des gens qui ont acheté, par exemple, en 2003 et 2004, et qui n'en ont plus racheté par la suite. On veut faire des rappels et leur parler (pour les inviter à vendre leurs parts)», explique Mme Boivert.

Le CRCD a atteint une capitalisation supérieure à 1 milliard de dollars pour la première fois de son histoire. Une fois ce cap dépassé, la société peut recueillir par période de capitalisation le moindre entre 150 millions et le montant des rachats d'actions demandés pendant la période, allant du 1er mars 2011 au 28 février 2012. Les rachats se sont élevés à 63 millions au cours de la période de capitalisation précédente.

Au 31 décembre 2010, CRCD comptait 111 500 actionnaires. Desjardins a vendu pour 180 millions de dollars de nouvelles actions, tandis que les détenteurs de parts ont vendu 29% des actions admissibles au rachat. Le potentiel de rachats pour 2011 s'élève à plus de 300 millions.

Marie-Claude Boisvert a rencontré La Presse Affaires en prévision de l'assemblée des actionnaires de CRCD, le vendredi 25 mars à Québec. Le fonds, qui fêtera bientôt ses 10 ans, a atteint une certaine maturité. Dans les deux dernières années, le fonds a concentré ses interventions dans le financement de petites entreprises avec du capital de développement sous forme de dettes et en finançant le rachat d'entreprises, quitte à devenir temporairement actionnaire majoritaire. La valeur de l'action a progressé pour la quatrième période consécutive, à 9,91$ en début d'année. L'exercice clos le 31 décembre s'est terminé avec un bénéfice net après impôt de 18,7 millions, comparativement à 17,1 millions en 2009.

Des liquidités qui minent le rendement

Pourquoi les investisseurs collent-ils à un fonds qui a perdu de l'argent depuis ses débuts? L'action qui a été émise au départ à un prix de 10$ a obtenu un rendement annuel composé de - 0,5% en sept ans.

La réponse se trouve dans les dispositions régissant le crédit d'impôt de 50%. L'investisseur qui retire ne serait-ce que 1$ de son investissement dans Capital régional et coopératif perd à jamais le crédit d'impôt pour toute souscription future.

Il s'avère que l'investisseur type du fonds fiscalisé est un individu âgé qui n'a plus d'espace disponible dans son REER et apprécie le crédit d'impôt de 2500$ par année. Il reste donc avec Desjardins.

«Je suis obligée de garder beaucoup de liquidités, ce qui met de la pression à la baisse sur le rendement», dit Mme Boisvert.

Elle dit discuter avec l'ensemble des intervenants incluant le gouvernement afin de trouver une façon de corriger cette situation singulière.