Les bonus des dirigeants bancaires de Wall Street ont recommencé à augmenter, mais ils sont loin d'avoir retrouvé leur sommets et tendent à être plus étalés dans le temps.

«C'est comme si on avait oublié que ces entreprises ont été mendier auprès du gouvernement il y a deux ans pour survivre», dénonce Gregori Volokhine, directeur de la firme de gestion d'actifs Meeschaert New York.

«Les rémunérations sont en hausse comparé à il y a deux ans», admet Eric Oja, analyste bancaire chez Standard and Poor's (SP), «mais les grandes banques ont toutes remboursé les aides gouvernementales et ne sont soumises à aucune limite sur leurs rémunérations».

L'analyste précise que certaines banques comme Goldman Sachs ou JPMorgan ont reçu l'aide du gouvernement contre leur gré.

Michael Wong, de Morningstar, remarque lui que les banques ont profité d'une baisse de l'attention du grand public et du monde politique pour «mieux se rémunérer».

Le PDG de JPMorgan Chase, Jamie Dimon, est pour l'instant en tête des bonus de Wall Street avec plus de 17 millions de dollars octroyés pour 2010, dont 12 millions en actions qu'il pourra vendre d'ici trois à quatre ans et cinq millions de dollars de stocks options qui seront débloquées progressivement d'ici un an.

C'est quasi stable comparé à 2009 et son salaire de 1 million de dollars est inchangé pour une année où le bénéfice de JPMorgan Chase a bondi de 48%.

Eric Oja, analyste de l'agence de notation financière Standard and Poor's, juge le niveau de rémunération de M. Dimon «plutôt raisonnable comparé à l'historique aux États-Unis, et vu la taille de cette banque».

Le directeur général de Citigroup Vikram Pandit, qui depuis 2009 ne se faisait rémunérer qu'un dollar par an, va toucher désormais un salaire annuel de 1,75 million de dollars, alors que sa banque a renoué avec les bénéfices en 2010.

Dans un document remis aux autorités boursières vendredi, Citigroup précise que quatre autres hauts dirigeants pourront recevoir pour 2011 et 2012 une prime de performance comprise entre 1,73 million et 5,2 millions de dollars.

Aucun versement ne sera fait «à moins qu'un bénéfice avant impôts d'au moins 12 milliards de dollars soit dégagé» pour ces exercices, précise Citigroup.

Du côté de la banque d'investissement, le PDG de Goldman Sachs Lloyd Blankfein a vu son salaire tripler en 2010 à deux millions de dollars. Les quatre autres principaux cadres dirigeants de la banque ont bénéficié de la même augmentation de salaire.

M. Blankfein a également touché une rémunération en actions de quelque 12 millions de dollars, trois millions de plus qu'un an plus tôt, alors que la performance de la banque a été médiocre l'an dernier: l'action est restée stable sur un an, le bénéfice net a reculé de 37% et le chiffre d'affaires s'est effrité.

Chris Maimone, autre analyste de SP, note toutefois que le bonus de M. Blankfein ne sera versé qu'à partir de janvier prochain et jusqu'en janvier 2014. Il perdra de sa valeur si le prix de l'action diminue.

En outre, les rémunérations au sein de la banque vedette de Wall Street sont en baisse comparé aux sommets d'avant la crise.

Pour l'ensemble des employés de Goldman Sachs, la rémunération comparée au chiffre d'affaires a représenté 39,3% pour 2010, plus qu'en 2009 (35,8%), mais beaucoup moins que le taux de 46,7% observé en moyenne entre 2000 et 2008.

En 2008, M. Blankfein avait reçu 68 millions de dollars dont 40% en numéraire.

Les analystes font remarquer que les pratiques de rémunération ont changé depuis la crise, avec tout ou majorité des bonus bloqués pour plusieurs années et leur versement étalé dans le temps, au lieu des espèces sonnantes et trébuchantes du passé.