L'un des plus importants groupes financiers dirigés de Montréal, la Corporation Financière Power (T.PWF), avec 138 milliards de dollars d'actif, ne veut pas du projet fédéral de commission unique de valeurs mobilières.

Du moins, tant que les «inquiétudes majeures dans certaines provinces, incluant le Québec, n'auront pas été résolues adéquatement», selon Jeffrey Orr, président et chef de la direction de la Corporation Financière Power (CFP).

«Entre-temps, le système actuel (de commissions provinciales) fonctionne bien. Et, au Québec, l'AMF fait bien son travail», a-t-il dit après l'assemblée des actionnaires de CFP, hier à Montréal.

Étaient évidemment présents Paul Desmarais, Paul Desmarais, jr et André Desmarais, à titre de principaux actionnaires de CFP et de sa société mère, Power Corporation.

Mais leurs commentaires, en particulier ceux de Paul Desmarais, jr, qui a dirigé l'assemblée à titre de co-président du conseil de CFP, se sont limités aux formalités d'usage.

Un autre membre en vue du conseil, Henri-Paul Rousseau, vice-président de CFP depuis sa démission controversée en mai 2008 de la présidence de la Caisse de dépôt et placement, a refusé de s'adresser aux journalistes.

La critique du projet fédéral de commission unique par le président de CFP, Jeffrey Orr, s'avère la plus sévère à ce jour de la part d'un haut dirigeant du secteur financier privé au Québec.

Elle survient deux jours après l'annonce par le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, d'une «coalition» d'affaires du Québec contre le projet fédéral. Et dont, curieusement, s'abstiennent des sociétés financières d'envergure telles que Desjardins ainsi que les banques Nationale et Laurentienne.

Entre temps, à Ottawa, le projet de commission unique piloté par le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, avec l'appui direct du milieu financier de Toronto et de l'Ontario, approche d'un dépôt législatif.

Ce dépôt officiel s'amène en dépit de l'opposition du Québec et de l'Alberta, qui ont d'ailleurs entrepris des contestations devant leur Cour d'appel respective.

Pour la haute direction de CFP, ce contexte conflictuel entre Ottawa et certaines provinces justifie une révision importante de l'approche fédérale.

Par ailleurs, lors de son discours devant les actionnaires de CFP, Jeffrey Orr a émis des réserves envers les réformes réglementaires envisagées au niveau international, après la grave crise bancaire et financière de 2008.

En particulier, le président de CFP appréhende que des normes plus sévères en matière de capitalisation et de comptabilité du secteur financier s'avèrent plus nuisibles qu'utiles à moyen terme.

Selon M. Orr, «le système financier canadien a bien fonctionné dans une conjoncture de bouleversements financiers extrêmes».

Par conséquent, «administrer de fortes doses de médicaments à une personne en santé n'est pas un traitement judicieux. Résistons donc aux pressions d'en faire autant avec notre approche de la réglementation financière».

Les résultats de premier trimestre 2010 de CFP ont confirmé le rebond de ses filiales de services financiers et d'assurances.

Pour l'essentiel, avec ses revenus totaux (primes et placements) en hausse annualisée de 62%, CFP a doublé son bénéfice net à 389 millions par rapport à l'an dernier.

Entre autres, Jeffrey Orr a souligné le redressement chez la filiale américaine de gestion de fonds, Putnam Investments.

Acquise en 2007, juste avant la crise financière, Putnam a dû subir une rénovation de fond en comble. Mais ces efforts portent leurs fruits, selon M. Orr.

Putnam est revenu au seuil de rentabilité après sept trimestres déficitaires. Elle vient de doubler sa part du marché américain des fonds en distribution indirecte, en plus de raviver ses efforts de croissance en Europe, dans le marché des fonds institutionnels.

En Bourse, les actions de CFP ont gagné 0,7% à 29,59$, ce qui demeure inférieur au sommet annualisé de 34$ atteint en mars.

<b>CORPORATION FINANCIÈRE POWER</b>

1er TRIMESTRE 2010

(en dollars canadiens, variation sur un an)

REVENUS TOTAUX

8,87 milliards

+62%

BÉNÉFICE NET

389 millions

+99%

BÉNÉFICE NET PAR ACTION

0,52$

+116%

ACTIF TOTAL

138,4 milliards

-1,2%

VALEUR BOURSIÈRE (au 12 mai)

20,7 milliards

+17%

Sources : Corp. Financière Power, Bloomberg