Les poursuites lancées aux États-Unis contre Goldman Sachs (GS) pourraient avoir des répercussions en Europe, où la banque d'affaires américaine, accusée de fraude sur la vente de titres adossés à des crédits hypothécaires à risque («subprimes») en 2007, est dans le collimateur de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne.

Londres et Berlin ont dû renflouer des banques qui ont perdu des centaines de millions de dollars dans des produits investissements commercialisés par Goldman Sachs, selon la plainte pour fraude déposée vendredi contre la banque par la SEC, le gendarme de la bourse américaine.

Selon la SEC, la Royal Bank of Scotland (RBS) a payé à Goldman 841 millions de dollars pour sortir des positions douteuses prises par ABN Amro, banque néerlandaise dont la RBS a racheté une partie des activités. La Royal Bank of Scotland est détenue à 84% par le contribuable britannique depuis sa nationalisation partielle.

En Allemagne, la banque IKB Deutsche Industriebank, victime précoce de la crise du crédit, a perdu, selon la SEC, la quasi-totalité de ses 150 millions de dollars d'investissements sur des produits commercialisés par Goldman.

Le Premier ministre britannique Gordon Brown a réclamé dimanche une enquête de l'Autorité britannique des services financiers (FSA) en collaboration avec la SEC. En posture délicate dans les sondages avant les élections générales du 6 mai, M. Brown a également dénoncé le projet de Goldman, rapporté par les médias britanniques, de distribuer 3,5 milliards de livres sterling de bonus.

«Je suis choqué par cette faillite morale», a-t-il déclaré à la BBC, appelant à la réforme du secteur bancaire. «Les banques (...) constituent toujours un risque pour l'économie.»

La FSA a annoncé lundi envisager une enquête approfondie sur Goldman. «La FSA enquête sur les circonstances de cette affaire et sur le fait de savoir s'il y a des implications pour les entités régulées de Goldman Sachs au Royaume uni», précise-t-elle dans un communiqué. «S'il y en a, nous prendrons des mesures appropriées.» L'éventualité d'un dédommagement de la RBS a dopé le titre de la banque britannique, en hausse de 2,8% à la mi-journée.

En Allemagne, l'affaire Goldman Sachs pourrait donner lieu à une action en justice. Le ministère allemand des Finances a annoncé lundi que l'autorité nationale de régulation BaFin demanderait à la SEC des informations sur le dossier afin d'évaluer les chances d'obtenir une compensation pour les pertes d'IKB. La banque avait été sauvée en 2007 avec l'aide d'une banque publique allemande.

Jeanette Schwamberger, porte-parole du ministère des Finances, a toutefois précisé que les chances d'indemnisation étaient incertaines, IKB ayant été vendue en 2008 au fonds d'investissement texan Lone Star Funds.

Le «Welt am Sonntag», citant Ulrich Wilhelm, porte-parole de la chancelière Angela Merkel, a également rapporté que la BaFin demanderait des informations détaillées à la SEC. «Après une évaluation minutieuse des documents, nous examinerons les procédures légales», a déclaré M. Wilhelm au journal.

Le 30 juillet 2007, IKB avait lancé un «profit warning» (avertissement sur les résultats) en raison de «l'impact de la crise sur le marché des crédits immobiliers américains subprime» et annoncé la démission de son patron, Stefan Ortseifen.

Ce dernier est jugé depuis mars à Dusseldorf pour manipulation du prix de l'action et quatre chefs d'abus de confiance. Le parquet l'accuse d'avoir trompé les marchés sur la vulnérabilité de la banque à la crise financière. Le procès doit s'achever fin mai.

Goldman Sachs fait déjà l'objet d'une enquête des autorités européennes pour des opérations datant de 2002 qui auraient pu aider la Grèce à dissimuler l'ampleur de ses difficultés financières.