Qui doit gérer le milliard de dollars qui reste de la présumée fraude commise par Allen Stanford, de la Stanford International Bank?

Voilà le débat qui a commencé en Cour supérieure, hier, à Montréal. Ce litige international s'est transporté à Montréal parce que c'est le seul endroit où la Banque Stanford avait un bureau à l'extérieur d'Antigua, où se trouvait le siège social. De plus, quelque 20 millions du milliard de dollars US ont été retracés à la Banque TD, à Toronto.

Deux séquestres se disputent l'administration des fonds. D'un coté, il y a la firme comptable Vantis, nommée à Antigua, et de l'autre, le séquestre Ralph Janvey, nommé aux États-Unis, où le groupe Stanford avait 15% de ses clients.

À la mi-juin, Allen Stanford et quatre dirigeants ont été formellement accusés de fraude aux États-Unis. Globalement, la fraude avoisinerait les 7,2 milliards US touchant quelque 28 000 clients dans 113 pays. Au Canada, 224 investisseurs auraient placé 308,3 millionsUS dans la banque.

Le débat sur l'identité du liquidateur n'est pas accessoire. Il pourrait changer le chèque que recevront les créanciers au terme du processus de distribution, puisque Vantis représente plus spécifiquement les créanciers de la Banque, tandis que Janvey représente tous les investisseurs du groupe Standford, incluant ceux de la banque. Comment et en combien de parts sera divisé le milliard de dollars US retracés à ce jour?

«Pourquoi les créanciers de la Banque partageraient-ils les restes de Stanford avec les créanciers des autres entités du groupe? En tout cas, ce n'est pas dans l'intérêt des investisseurs canadiens (car ils ont investi directement dans la Banque)», a dit en Cour, Julie Himo, avocate de la firme Ogilvy Renault, qui travaille pour le compte de Vantis.

À ce jour, les principaux fonds ont été retracés en Suisse (117 millions US) et en Angleterre (113 millions US). Moins de 20 millions US seraient aux États-Unis, plaide Me Himo. La valeur du reste des actifs est difficile à déterminer, étant constitué de biens immobiliers et de participation dans des restaurants, clubs de santé et journaux à Antigua, entre autres.

Vantis a été reconnu séquestre intérimaire au Québec par un registraire de la Cour supérieure. Le séquestre américain Janvey conteste cette nomination. L'équipe d'avocats de Janvey à Montréal est dirigée par George Henly, de la firme Osler, Hoskin&Hartcourt. Un de ses arguments porte sur le non respect par Vantis des procédures canadiennes de faillite.

Peu après l'éclatement du scandale, en février, Vantis a fermé le bureau de Montréal, copié les données des serveurs et détruit les originaux. Or, la Loi sur la faillite exige qu'une telle procédure soit réalisée par un syndic canadien.

Le juge Claude Auclair a qualifié de «cowboy» cette manière de faire de Vantis. Il a fait un parallèle avec un criminel que la SQ voudrait arrêter à New York et pour lequel il faudrait l'autorisation d'un tribunal américain. «Je ne pense pas que l'esprit de la Loi sur la faillite exige une telle chose», a répondu Me Himo.

Qui plus est, Vantis a transporté à Antigua et en Angleterre les données copiées des serveurs. «On ne saura jamais si les copies sont des authentiques. Pourquoi ne pas avoir tout simplement mis les serveurs dans un endroit sûr», a fait valoir Me Hendy.

Une autre partie est intervenue dans cette affaire: l'Autorité des marchés financiers (AMF). L'organisme veut mettre la main sur les données informatiques pour son enquête, mais déplore le manque de collaboration de Vantis.

L'avocate Julie Himo explique que Vantis ne peut divulguer de tels renseignements à moins d'une ordonnance d'un tribunal d'Antigua, où règne le secret bancaire. De son côté, l'AMF fait valoir qu'il s'agit de renseignements tirés du bureau de Montréal et que la loi québécoise lui permet d'y accéder en vertu de ses pouvoirs d'enquête.

À ce sujet, le juge Claude Auclair a fait un commentaire éloquent. «L'ordonnance d'Antigua s'appliquerait même pour des documents à Montréal? (...) Quelle information y a-t-il sur ces documents informatiques, personne ne le sait. Et ça me trouble, ça m'inquiète», a-t-il dit.

Vantis n'a donc pas la partie facile. Par contre, elle a récemment gagné un litige en Angleterre où la Cour a préféré sa nomination à celle de Janvey.