La Sûreté du Québec s'est rapidement saisie du dossier Earl Jones et interroge les proches du financier ou des professionnels qui ont fait affaire avec lui au cours des dernières années.

Selon nos informations, l'enquête est menée par deux enquêteurs chevronnés de la division des crimes économiques, notamment le lieutenant Éric Martin. Le policier est l'un de ceux qui a enquêté sur le dossier du producteur de dessins animés Cinar, pour lequel aucune accusation criminelle n'a été déposée.

 

La Presse Affaires a appris que la SQ recueille le témoignage de diverses victimes d'Earl Jones pour monter un dossier de preuves. La police provinciale rencontre également une demi-douzaine de personnes qui ont ou ont eu des liens d'affaires avec le financier soupçonné de fraude.

Dernièrement, Earl Jones avait transmis une lettre à certains investisseurs les avisant qui ils devaient contacter s'il lui arrivait quelque chose. Ce sont ces personnes que rencontre notamment la SQ, mais il appert que plusieurs ne seraient pas au courant du fait que leur nom figure comme référence de M. Jones.

La Presse Affaires a pris connaissance de cette liste d'individus, qui ne sont accusés de rien. Dans cette liste figurent notamment Debra Stewart et Nancy Wynands, deux des employés administratifs de M. Jones, qui transmettaient notamment des états de compte aux clients. Nous avons contacté les deux personnes, mais elles n'ont pas voulu s'entretenir avec La Presse.

Cette liste contient également les noms de cinq membres de divers ordres professionnels. Selon nos vérifications, aucun d'entre eux n'a d'antécédents disciplinaires.

Le premier sur la liste est le comptable CGA Pierre Courchesne. Son nom figure au bas de l'état de compte d'un client daté d'avril 2009 avec la mention «Certified correct, Pierre Courchesne, accountant».

Joint au téléphone, Pierre Courchesne dit n'avoir rien à voir avec ce document, que son nom y a été inscrit sans sa connaissance. Sa signature figurerait sur d'autres documents, mais M. Courchesne affirme qu'il ne s'agit pas de son écriture. «Je suis surpris, mais je n'y peux rien. Mon nom a été utilisé à tort», a dit M. Courchesne, qui a répondu ouvertement à toutes nos questions.

Pierre Courchesne connaît M. Jones depuis 30 ans, mais dit ne pas avoir eu de relations d'affaires avec lui depuis plusieurs années. Il y a une quinzaine d'années, M. Courchesne faisait les déclarations de revenus de certains clients d'Earl Jones. Il connaît son frère, Bevan, et dit parler ou rencontrer Earl Jones une fois par année, par exemple au chic club de golf Royal Montréal. «Je suis une victime là-dedans», dit-il.

Pierre Courchesne dit n'avoir jamais reçu d'argent de M. Jones, qu'il était plutôt un comptable référé par M. Jones pour ses clients. Earl Jones envoyait également ses propres clients à divers autres professionnels, comme des notaires ou avocats, dit-il.

Aujourd'hui, ce rôle de comptable des clients d'Earl Jones est assuré par Robin Whitrod, dont le nom figure également sur la liste. Au bureau de M. Whitrod, sa secrétaire nous dit que le comptable n'a rien à voir avec les pertes, au contraire.

La firme a été engagée pour faire les déclarations de revenus de 108 clients de M. Jones, dit-elle, et le financier lui doit de l'argent. Dans le document du séquestre intérimaire, il est indiqué que la Corporation Earl Jones doit plus de 100 000$ à M. Whitrod.

La liste comprend également les noms de la notaire Linda Fraser et des avocats Robert Johnston et David Rosenzveig. Aucun d'eux n'a répondu aux appels de La Presse.

Earl Jones n'a pas été retrouvé. À la SQ, le porte-parole Marc Butz indique qu'aucun mandat d'arrestation n'a été émis contre Earl Jones, qu'il faut d'abord recueillir les plaintes des clients. M. Butz nie que des enquêteurs aient été assignés au dossier.