Pour André Thiem, Earl Jones n'était pas un gestionnaire de placements, c'était un ami. Sa famille le connaît depuis 1965. Comme des dizaines d'autres investisseurs, ils ont fait confiance au financier pendant des décennies. Pour finalement apprendre qu'il est soupçonné de les avoir floués.

«C'était un très bon gars, comme un oncle pour moi», raconte M. Thiem, rencontré hier à l'assemblée des investisseurs de la Corporation Earl Jones. Sa mère Ruth, 74 ans, craint d'avoir perdu 200 000$.

Si l'on ignore où se trouve M. Jones, on en sait davantage sur ses méthodes, lui qui a géré des successions et des placements pendant 25 ans sans jamais s'enregistrer auprès des autorités. Il a bâti sa clientèle par l'entremise de ses nombreuses relations dans la communauté de l'ouest de Montréal.

Jerry Coughlin a grandi dans la métropole, mais habite maintenant Boston. Sa mère Mary, 77 ans, a confié toutes ses économies à Earl Jones après la mort de son mari. Elle l'avait rencontré alors qu'elle suivait un cours sur les femmes et la finance, dans les années 80. Jones était l'un de ses professeurs.

«Il avait une touche de velours, relate M. Coughlin. Il semble avoir gagné la confiance des gens au point de les convaincre de lui donner des sommes immenses.»

Mme Coughlin a vendu deux maisons après le décès de son mari. Elle a confié tout l'argent à Earl Jones, qui lui versait chaque mois une rente pour payer son loyer et subvenir à ses besoins. Depuis 25 ans, tout semblait marcher sur des roulettes.

«Elle semble avoir vécu de ses rentes pendant des années sans jamais réaliser que sa source de revenu était une fiction», rage Jerry Coughlin.

Propriétaire d'une entreprise horticole, Danielle Manouvrier a été embauchée à maintes reprises par les Jones pour l'aménagement de leur propriété à Mont-Tremblant.

«Depuis quatre ans, ils payaient rubis sur l'ongle, relate-t-elle. Comme ce sont des amis de mes parents, nous nous sommes liés d'amitié.»

Sa mère a confié 80 000$ à Earl Jones. Danielle Manouvrier, elle, craint d'avoir perdu 20 000$.

«C'est l'argent pour la retraite, a-t-elle dénoncé. On comptait acheter de l'immobilier avec ça, justement parce qu'on fait plus ou moins confiance au marché financier. Ça confirme justement ce qu'on pense.»

Mais le financier ne faisait pas l'unanimité, surtout chez les plus jeunes investisseurs.

«J'ai rencontré cinq ou six personnes qui me disent qu'ils ne lui ont jamais fait confiance, dit Kevin Curran, l'un des organisateurs de la rencontre d'hier. Ils en ont parlé à leurs parents, mais leurs parents ne voulaient pas les écouter car ils le respectaient énormément.»