Les Canadiens financent leur consommation avec de l'argent qu'ils n'ont pas gagné.

Dans une étude dévoilée hier, l'Association des comptables généraux accrédités du Canada (CGA-Canada) dresse un portrait sombre de l'état des finances des ménages au pays: ils sont plus que jamais endettés et ils utilisent de plus en plus le crédit pour leurs dépenses courantes. Tant et si bien que l'endettement total des ménages a atteint un sommet de 1300 milliards de dollars à la fin de 2008. Cela représente près de 40 000$ par habitant, soit près du double par rapport à l'an 2000.

Les principaux indicateurs de dette (ratios dette-revenu, dette-actif et dette-valeur nette) «se sont détériorés considérablement au cours des deux dernières années, et en particulier en 2008», estime CGA-Canada.

 

L'étude est basée sur un sondage effectué en novembre dernier, donc avant que la situation économique ne se dégrade encore davantage.

«Ça commence à être inquiétant, dit Rock Lefebvre, vice-président à la recherche et normalisation de CGA-Canada, en entrevue à La Presse Affaires. Si on y ajoute l'augmentation du nombre de faillites, on commence à voir les preuves d'un problème de plus en plus prononcé.»

«Cette étude vient mettre des chiffres sur quelque chose que l'on remarque depuis plusieurs années», souligne Karine Robillard, avocate et conseillère budgétaire chez Option consommateurs.

Les cartes et les marges de crédit sont la première dette des consommateurs canadiens, et 85% d'entre eux ont une dette active de carte de crédit (c'est-à-dire qu'ils ne paient pas la totalité de leur solde).

Si la dette des Canadiens s'accroît, c'est surtout parce qu'ils se servent de plus en plus du crédit pour leurs dépenses courantes (au détriment de l'accumulation de richesse ou de la constitution d'un patrimoine).

«On achète maintenant et on paie plus tard, c'est dans la mentalité des Canadiens, note Karine Robillard. Beaucoup de gens ont tendance à combler le manque de revenu par du crédit.»

L'étude de CGA-Canada est dévoilée dans un contexte où l'économie dépend de la consommation pour retrouver son élan.

L'association de comptables «reconnaît l'importance des dépenses de consommation pour l'essor des entreprises et la croissance économique. Il lui semble toutefois plus souhaitable d'adopter une approche équilibrée des dépenses, de l'épargne et du remboursement des dettes pour sortir du marasme économique actuel, que d'essayer de promouvoir les dépenses de consommation».

Pas assez d'épargne

Les perspectives d'amélioration de la situation d'endettement des ménages ne sont pas très encourageantes. De fait, les Canadiens «perçoivent leur situation financière comment étant meilleure que ce qu'elle est, et beaucoup ne se rendent pas compte des effets du repli économique sur leurs finances», lit-on dans l'étude.

Par exemple, la baisse des marchés boursiers a affecté la valeur des programmes de retraite. Et dans certaines régions du pays, la baisse de la valeur des maisons a fait fondre l'actif de plusieurs ménages.

Pendant que la dette des Canadiens s'accroît, leurs habitudes d'épargne ne s'améliorent pas et leur budget est souvent très serré.

Un Canadien sur trois n'affecte pas un sou à l'épargne, et un sur quatre ne serait pas en mesure de faire face à une dépense imprévue de 5000$, même en s'appuyant temporairement sur ses cartes ou ses marges de crédit.

Même la crise ne semble pas vouloir bouleverser les habitudes financières des consommateurs.

Près de quatre répondants sur cinq (78%) au sondage ont fait savoir qu'ils n'allaient pas changer leurs habitudes d'épargne.

«Le gouvernement a créé beaucoup d'outils dans les dernières années pour inciter les gens à épargner (REER, CELI), mais ça ne se transforme pas nécessairement en résultats», dit Rock Lefebvre.

M. Lefebvre et CGA-Canada déplorent d'ailleurs le manque de connaissance financière des Canadiens, notamment chez les plus jeunes générations. Selon M. Lefebvre, il faut une meilleure éducation à ce chapitre dans les écoles, que ce soit au primaire ou au secondaire.

Le sondage de CGA-Canada a été effectué par la firme Synovate auprès de 2014 répondants du 3 au 14 novembre 2008. La marge d'erreur est de 2,18%, 19 fois sur 20.