À voir leur récente tenue en Bourse, les principales banques canadiennes auraient déjà enjambé les conséquences de la pire crise financière en un demi-siècle.

Pas si vite, avertissent les analystes qui les ont à l'oeil.

Car après avoir surmonté les fortes dépréciations de titres financiers, l'an dernier, les banques subissent maintenant l'impact de la récession sur leurs résultats d'exploitation.

Et leur prochaine ronde de résultats trimestriels, qui débute aujourd'hui avec la Banque de Montréal (BMO), risque fort de décevoir nombre d'investisseurs en actions bancaires.

Les analystes s'attendent à une baisse moyenne de l'ordre de 12% du bénéfice bancaire lors du second trimestre terminé le 30 avril, sur une base annualisée (voir le tableau).

La principale raison? Une hausse considérable par les banques de leurs provisions pour pertes sur prêts, une conséquence de la récession parmi leur clientèle d'emprunteurs d'affaires et particuliers.

«La qualité du marché du crédit au Canada se détériorera davantage avant de s'améliorer, même si elle demeure relativement bonne comparée aux États-Unis», commentait l'analyste Michael Goldberg, spécialiste des banques et des services financiers chez Valeurs mobilières Desjardins, dans un récent avis à ses clients-investisseurs.

Quant à l'ampleur de ces provisions pour pertes sur prêts, les attentes se chiffrent désormais en milliards, plutôt qu'en centaines de millions lors des trimestres antérieurs.

En fait, parmi les sept principales banques canadiennes, dont la Nationale et la Laurentienne au Québec, ces provisions pourraient totaliser 2,4 milliards de dollars pour le seul deuxième trimestre, selon les estimations faites par l'analyste Robert Sadran, spécialiste des banques à la Financière Banque Nationale.

Si elles s'avèrent, de telles provisions pour pertes sur prêts seraient deux fois plus élevées que celles inscrites par les banques pour la même période de trois mois, il y a un an.

Par ailleurs, contrairement au premier trimestre précédent, les analystes ne s'attendent pas à ce que les banques puissent profiter d'une autre poussée de leurs revenus de courtage boursier pour compenser l'impact de la hausse des provisions sur leurs résultats d'exploitation.

«Le sursaut des revenus de courtage boursier au premier trimestre (de novembre 2008 à janvier 2009) était le principal facteur derrière la hausse surprise de 10% des profits bancaires. Mais pour le second trimestre, la croissance des revenus de courtage s'annonce insuffisante pour compenser la hausse des provisions pour pertes sur prêts», souligne Mario Mendonca, analyste des banques chez Genuity Capital, dans un rapport distribué hier à ses clients-investisseurs.

Cela dit, même touchés par la récession, les résultats d'exploitation et les bilans des banques canadiennes demeurent en bonne situation par rapport à leurs semblables dans le monde.

«Les banques canadiennes sont bien capitalisées, avec des bilans de haute qualité, une bonne diversification d'affaires et un solide potentiel de hausse des bénéfices à long terme», souligne Kevin Choquette, analyste des services financiers chez Capitaux Scotia, dans son rapport préliminaire des résultats trimestriels des banques.

En Bourse, cette situation relativement bonne des banques canadiennes a propulsé leurs actions en rebond de près de 40% depuis trois mois.

De plus, souligne Michael Goldberg, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins, les banques canadiennes ont pu calmer les inquiétudes des investisseurs envers une réduction de leurs dividendes trimestriels.

Par conséquent, malgré l'impact de la récession sur leurs résultats, qui devrait durer encore deux à trois trimestres selon les analystes, les actions des banques canadiennes représenteraient un placement intéressant.

«Les résultats moindres des banques à court terme ne devraient pas suffire à faire dérailler leur performance boursière. Malgré le récent rebond, leur valeur boursière des banques canadiennes demeure raisonnable en fonction des bénéfices anticipés l'an prochain», estime l'analyste Mario Mendonca.