Le président de la Caisse de dépôt, Michael Sabia a fait savoir aujourd'hui à son conseil d'administration qu'il comptait renoncer au généreux régime de retraite dont avait bénéficié son prédécesseur, Henri Paul Rousseau.

Comme La Presse l'a révélé hier, la Caisse lui avait offert une rente annuelle à vie équivalant à 235 000 $ par année s'il avait complété son mandat de cinq ans.Michael Sabia, dont le choix comme grand patron de la Caisse est fortement contesté par le Parti québécois et plusieurs membres du milieu des affaires, renonce aussi à ses bonis en 2009 et 2010.

Le président et chef de la direction de la Caisse dit avoir pris cette décision lundi, mais il n'en a informé la ministre des Finances Monique Jérôme-Forget et les médias qu'hier après-midi par lettre. La veille, la ministre des Finances avait indiqué à La Presse que M. Sabia recevrait la même rente que celle de l'ancien dirigeant de la Caisse Henri-Paul Rousseau. M. Sabia a l'intention d'expliquer sa décision dès aujourd'hui à la réunion du conseil d'administration de l'organisme, la première qu'il présidera. Il n'était pas disponible hier pour une entrevue.

Le président du conseil d'administration de la Caisse, Robert Tessier, a indiqué avoir offert à M. Sabia une rémunération similaire à celle d'Henri-Paul Rousseau. C'est Michael Sabia qui a demandé à revoir ses conditions salariales à la baisse, selon M. Tessier. « Dès son arrivée, il m'a signalé qu'il n'était pas à l'aise avec ses conditions salariales. Il est comme ça, c'est un homme très différent «, dit Robert Tessier en entrevue à La Presse.

« Dès la première entrevue que nous avons eue avec lui, il a été très clairement établi que sa motivation de venir à la Caisse n'était pas de nature pécuniaire, ajoute M. Tessier. Il voyait un défi important à relever. La Caisse était une institution fondamentale pour le Québec et il pensait qu'il pouvait prendre la direction de cette organisation et améliorer sa performance. La question monétaire ne le motivait pas. Il a été très chanceux dans la vie. Il a suffisamment de moyens pour ne pas se préoccuper de questions financières de façon quotidienne.»

Après mûre réflexion, Michael Sabia a communiqué sa décision par lettre au président de son conseil d'administration lundi dernier, fait valoir ce dernier. Les deux hommes voulaient attendre la tenue d'une réunion du comité des ressources humaines de la Caisse où le contrat de M. Sabia serait discuté qui avait lieu hier avant de faire part de sa décision au gouvernement Charest et aux médias.

« Il y a une règle (à la Caisse) qui veut qu'il en discute avant avec son comité de ressources humaines, dit Robert Tessier. Il est tout à fait normal qu'une matière aussi importante que celle-là soit discutée dans les organes de la Caisse.»

Encore mercredi, la ministre Jérôme-Forget soutenait que M. Sabia allait bénéficier des mêmes conditions que M. Rousseau à une exception près pas de prime de départ de 500 000 $ dans l'éventualité où il déciderait de quitter ses fonctions. «La ministre n'était pas au courant (...) elle ne connaissait pas ce fait», a dit Robert Tessier.

Hier, la ministre Jérôme-Forget a décidé de ne pas commenter la décision de Michael Sabia de renoncer à sa pension et ses bonis, a indiqué son attachée de presse Catherine Poulin.

Selon Robert Tessier, la décision de Michael Sabia ne remet pas en cause la politique de rémunération de la Caisse, qui fait des efforts depuis plusieurs années afin d'offrir des conditions salariales similaires à celles du secteur privé afin de retenir ses meilleurs éléments. «M. Sabia croit que pour que la Caisse fonctionne, il faut avoir des modèles de rémunération conformes au marché, dit Robert Tessier. Il a dit qu'il allait se sentir plus libre de travailler à donner des conditions comparables à ce qui se donne dans les grandes caisses s'il n'y était pas soumis dans la première partie de son mandat.»

S'il renonce à ses bonis pour ses deux premières années à la barre de la Caisse, Michael Sabia aura droit à un boni à partir de 2011 qui sera basé sur l'ensemble de la performance de la Caisse entre 2009 et 2011. En 2007, Henri-Paul Rousseau avait touché un boni d'environ un million en plus de son salaire de base de 490 000 $.

Outre son régime de retraite et ses bonis, M. Sabia renonce aussi à une indemnité de fin d'emploi s'il est destitué de son poste ou si son contrat n'est pas renouvelé. M. Rousseau avait eu droit à une année de salaire, à l'annonce de son départ en mai, mais avait préféré rester à l'emploi jusqu'en septembre pour décrocher une sixième année complète ce qui bonifiait substantiellement sa rente de retraite.

M. Sabia a aussi entrepris des discussions afin de constituer une fiducie sans droit de regard pour ses actifs personnels. En tant qu'ancien patron de BCE, M. Sabia est parti avec beaucoup d'actions de son ancienne société. À la barre de la Caisse, M. Sabia aura notamment à veiller à la profitabilité de Vidéotron, le principal compétiteur de BCE, qui constitue une part importante de son patrimoine personnel.

S'il a renoncé à sa rente de retraite de la Caisse, M. Sabia pourrait néanmoins recevoir une pension inférieure à 5000$ par année. M. Sabia a demandé des avis juridiques à savoir s'il pouvait légalement renoncer à cette rente de retraite. Si la loi l'y oblige, il empochera cette rente obligatoire pour tous les employés de la Caisse.