Les dirigeants des grandes banques commencent à prendre la mesure de ce que le président Barack Obama voulait dire quand il a déclaré le 20 janvier «qu'une nation ne peut prospérer longtemps si elle ne favorise que les plus nantis».

Cela signifie que les privilèges qu'ils croyaient détenir par droit divin comme les aristocrates en des temps heureusement révolus se remettent en cause. Surtout quand Washington et d'autres capitales occidentales doivent allonger des milliards pour secourir des institutions en péril par leur faute, leur très grande faute.

 

Certains banquiers ont bien appris la leçon, d'autres se font encore tirer l'oreille.

Parmi les premiers, citons la haute direction de Citigroup [[|ticker sym='C'|]]. Elle a indiqué que les 45 milliards reçus en aide du Trésor fédéral serviront entièrement à des activités de prêts, surtout hypothécaires. Rien en boni ou en dividende. Citigroup est très frappée par la crise financière actuelle qui a plongé le monde en récession. Printemps 2007, juste avant l'éclatement de la crise du crédit, sa capitalisation boursière s'élevait à 255 milliards. Elle ne valait plus que 19 milliards il y a quelques jours, selon une compilation faite par JP Morgan [[|ticker sym='JPM'|]] et rapportée par l'agence Bloomberg.

Mentionnons aussi Crédit suisse qui a choisi de limiter la rémunération variable de ses dirigeants à une fraction de celle de 2007. Plusieurs banques canadiennes font de même.

D'autres institutions gardent par contre leurs vieux réflexes: beau temps mauvais temps, les bonis substantiels sont de rigueur.

On a appris récemment que la haute direction de Merrill Lynch en avait versé de généreux au moment où elle négociait sa propre acquisition par Bank of America [[|ticker sym='BAC'|]], qui a dû limiter les primes à ses propres employés tellement sa prédation se révèle coûteuse.

Hier, UBS [[|ticker sym='UBS'|]], deuxième banque suisse, soupçonnée aux États-Unis d'avoir aidé de fortunés américains à déjouer le fisc, étonnait une nouvelle fois. Elle aurait maraudé chez ses concurrents américains plus de 200 courtiers. Son succès: les appâter en leur offrant jusqu'à 200% du boni qu'ils auraient reçu de leur employeur. Le problème, c'est que la banque a réduit de 80% l'enveloppe destinée aux bonis du reste de son personnel. Sa filiale américaine a perdu beaucoup de clients et d'actifs sous gestion depuis le début de la crise financière.

D'ici quelques jours, Washington rendra publiques les règles qu'il imposera à la rémunération dans les entreprises qui devront leur survie à l'injection d'argent fourni par le contribuable.

On s'attend à ce que soient interdits les parachutes dorés aux cinq principaux dirigeants qui seront remerciés. Les bonis seront limités à 60% de ceux de 2007 tandis que les dépenses de luxe comme des séminaires en des lieux exotiques ou l'achat de jets privés devront recevoir l'approbation préalable de Washington.

La nouvelle administration américaine désire avant tout que l'argent serve à relancer les activités de prêts. C'est la grande lacune de la première phase du plan de l'ancien secrétaire au Trésor Henry Paulson. Les quelque 200 milliards injectés dans le capital des banques n'ont pas relancé le crédit. Ils ont servi plutôt à gonfler leurs réserves, voire à financer des acquisitions qui ont résulté à des consolidations et des licenciements.

Cela dit, le président Obama a déclaré à la télévision américaine que d'autres banques ne pourront éviter la faillite tellement il reste d'actifs toxiques au bilan de certaines.

C'est d'ailleurs la tâche la plus difficile à laquelle Washington devra s'attaquer: trouver une solution (un prix?) pour ces titres dont la valeur nominale dépasse les mille milliards et dont personne ne veut plus.

Si une garantie partielle ou la création d'une banque dépotoir font partie des scénarios envisagés, la solution n'est pas simple et requerra encore quelques semaines.

Ensuite il faudra s'attaquer au délicat problème du resserrement de la réglementation des banques et des activités de titrisation. Wall Street est bel et bien tombée en bas de son trône.