Les agences de renseignement américaines ne pourront pas mettre la main sur les données personnelles des Québécois, que le gouvernement Legault entend confier à des sous-traitants, a assuré mardi le ministre de la Transformation numérique gouvernementale, Éric Caire.

Le ministre s'est fait rassurant à son arrivée à l'Assemblée nationale, mardi, après que plusieurs experts eurent émis des préoccupations sur son annonce de la veille.

« Les dispositions qu'on va prendre vont faire en sorte qu'on va être totalement protégées, que l'entreprise soit américaine ou canadienne », a-t-il déclaré.

M. Caire a annoncé une réforme importante de la manière dont le gouvernement compile et stocke ses données informatiques. D'ici trois ans, Québec cessera d'opérer la quasi-totalité de ses serveurs informatiques. Plus de 80 % des données qu'ils contiennent seront confiées à des sous-traitants comme Amazon, Microsoft ou IBM.

Selon des experts, cette stratégie pourrait mettre en péril le droit à la vie privée de millions de Québécois. Ils font valoir qu'en vertu du Patriot Act et du Cloud Act, le gouvernement américain pourrait obtenir des ordonnances pour réquisitionner les données détenues par tout citoyen corporatif américain.

Or, les dispositions du Patriot Act qui touchent les données informatiques n'ont pas été reconduites par le Sénat américain, a dit M. Caire. Quant au Cloud Act, il ne peut être invoqué que pour obtenir des informations sur des citoyens américains.

Il est donc impossible que le gouvernement américain s'appuie sur cette loi pour s'approprier des renseignements sur des citoyens canadiens.

« Il faut que la personne visée par la demande soit un citoyen américain », a résumé M. Caire.

Québec exigera que ses fournisseurs stockent les données en sol canadien. « Donc on vient régler pas mal de problèmes », a dit le ministre.

« Inquiétant »

Les partis de l'opposition sont toutefois sceptiques.

Le chef du Parti libéral, Pierre Arcand, craint que les données personnelles de millions de Québécois soient vulnérables, conséquence de la décision du gouvernement Legault.

« Imaginez-vous les gens qui ont, par exemple, des données sur leur bilan de santé, a dit M. Arcand. Ça veut dire que théoriquement, en vertu du Patriot Act, tu peux avoir le gouvernement américain qui intervient dans les données de Québécois. »

« Je trouve ça inquiétant », a-t-il ajouté.

La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a abondé dans le même sens. Selon elle, le gouvernement devrait conserver la gestion des serveurs où seront stockées les données des Québécois.

« Pourquoi ne pas donner à notre fonction publique, à nos organismes publics, au contraire, la possibilité de pouvoir bien gérer les données de notre État, au lieu de le mettre entre les mains de ces grandes entreprises qui parfois ont fait défaut ou qui parfois, eux aussi, se font hacker ? a-t-elle dit. Ce n'est pas un gage de sécurité. »