Montréal mettra son grain de sel dans le jeu le plus populaire sur la planète depuis plus d'un an, Fortnite. C'est la métropole québécoise qui a été choisie par Epic Games, développeur américain derrière ce phénomène, pour y établir son premier studio complet hors des États-Unis, a appris La Presse.

Le studio, qu'on a inauguré la semaine dernière au sixième étage d'une tour de bureaux avenue McGill College, au centre-ville de Montréal, dispose d'espaces totalisant 1700 m2. Alain Tascan, un vétéran de l'industrie qui a contribué à la création des studios montréalais d'Ubisoft en 1997 et d'Electronic Arts en 2003, a été embauché à titre de directeur général.

« Ce qu'on va faire dans ce studio, c'est le monde entier qui va y jouer, dit M. Tascan, rencontré dans ses nouveaux locaux. Fortnite, c'est une plateforme qui évolue constamment, qui s'étend. Personnellement, je n'ai jamais vu ça dans l'histoire du jeu vidéo. »

MONTRÉAL, « PREMIER AU MONDE »

Le studio Epic Montréal, précise-t-il en utilisant le jargon de l'informatique, sera full stack, c'est-à-dire qu'il touchera aux trois spécialités de l'entreprise. Seul le siège social d'Epic à Cary, en Caroline du Nord, en fait autant. On y travaillera sur Fortnite, mais également sur le moteur de jeu très populaire Unreal Engine.

Ce moteur est en outre utilisé par des entreprises qui ne sont pas liées au jeu vidéo, notamment pour la conception d'animations et de simulateurs. Un petit studio d'Epic se consacrant à ce troisième volet avait été ouvert à Montréal l'an dernier. Ses 25 employés ont emménagé dans les nouveaux bureaux la semaine dernière.

Le choix de Montréal semble une évidence pour Greg Gobbi, vice-président au développement de produit chez Epic Games.

« La raison objective, c'est le bassin de talent qui est le premier au monde, dit-il au bout du fil. Le déclencheur, c'est Alain [Tascan] : quand j'ai parlé de lui chez Epic, trois personnes autour de la table le connaissaient. »

- Greg Gobbi

« On veut construire un groupe à Montréal qui ne sera pas le plus gros, mais qui sera extrêmement talentueux. »

M. Gobbi, Français d'origine tout comme M. Tascan, connaît bien Montréal : il a travaillé de 1999 à 2005 chez Ubisoft Montréal sur les franchises Splinter Cell et Prince of Persia.

UN JEU, UN UNIVERS

Combien d'employés comptera à terme le nouveau studio « complet » ? Greg Gobbi et Alain Tascan refusent de s'avancer, et ce dernier explique avoir « un mandat de qualité plutôt que de quantité ». Chose certaine, une quinzaine d'offres d'emploi liées à la création de jeux vidéo seront affichées sous peu. De toute évidence, à voir la taille des locaux, il ne s'agit que d'une première vague d'embauches.

« On a des moyens incroyables », note, sourire en coin, M. Tascan. Pourra-t-on attirer des créateurs et des développeurs avec la perspective de travailler sur un seul jeu, aussi populaire soit-il ? Le directeur général n'en doute pas une seconde. « Un artiste veut travailler sur le meilleur avec les meilleurs ; il n'y a rien de plus gratifiant que de travailler sur le plus gros jeu au monde. Le niveau de créativité que le jeu offre, la fantaisie, c'est incroyable. Ce qui m'intéresse, c'est de regrouper les meilleurs talents pour qu'ils y mettent le meilleur d'eux-mêmes. »

Fortnite est un exemple particulièrement abouti, et certainement le plus populaire, de ces « univers persistants » que les studios cherchent à établir. Ce n'est pas un hasard qu'Epic y soit arrivé, estime Greg Gobbi. « Nous avons bâti sur nos échecs, sur des connaissances acquises en plus de cinq ans. » Avec ses mises à jour hebdomadaires et ses « saisons », qui introduisent de nouvelles mécaniques environ tous les deux mois, « Fortnite est plus proche d'un show télé que d'un jeu classique », explique-t-il.

L'autre avantage qu'on compte faire miroiter pour attirer les talents, c'est la nature même d'Epic Games, qui demeure relativement petit malgré des revenus colossaux, avec quelque 700 employés dans le monde. « C'est une entreprise à échelle humaine, dirigée par son fondateur Tim Sweeney, un codeur qui continue de coder tous les jours, dit M. Tascan. C'est un visionnaire, qui a constamment fait des choix courageux, sans avoir l'oeil fixé sur les rendements trimestriels. »