L'Autorité des marchés financiers (AMF) est poursuivie pour avoir effectué une perquisition qui aurait « traumatisé » une famille de Montréal dans le cadre de son enquête pour délit d'initié relativement à l'affaire Amaya. La famille en question réclame 230 000 $.

Six représentants de l'AMF et deux policiers en uniforme sont débarqués dans une résidence de l'avenue McLynn, dans l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal, peu avant 7 heures du matin le 12 septembre dernier, avec un mandat de perquisition, selon la poursuite déposée la semaine dernière au nom de la famille du rabbin Momi Pinto, dont La Presse a obtenue copie. L'opération a duré plus de six heures, est-il précisé.

Le rabbin Momi Pinto, sa femme et leurs trois enfants affirment habiter cette maison depuis six ans, soit depuis qu'ils l'ont achetée de Yosef Ifergan, l'homme qui était la cible des enquêteurs lors de la perquisition, selon les demandeurs. Toujours d'après la requête, Yosef Ifergan est soupçonné de délit d'initié et a des liens avec d'autres individus qui intéressent l'AMF. 

La famille soutient avoir été questionnée de façon répétée et accusée d'être impliquée avec les gens soupçonnés dans le cadre de l'enquête.

Aucune allégation n'a été testée en Cour.

Le mandat a été lancé parce que les enquêteurs croyaient pouvoir trouver des éléments de preuve pouvant incriminer Yosef Ifergan, mais l'AMF savait qu'il vivait à Calgary, en Alberta, et non pas sur l'avenue McLynn à Montréal, est-il indiqué dans la poursuite.

Selon la requête, l'AMF avait des preuves, notamment des documents de la Société de l'assurance automobile du Québec, démontrant que Yosef Ifergan avait déménagé dans une autre province. La requête mentionne aussi qu'un enquêteur de l'AMF a soutenu avoir vu Yousef Ifergan entrer et sortir de la résidence les 30 et 31 août dernier.

Les requérants affirment avoir obtenu confirmation que Yosef Ifergan se trouvait à Calgary à ce moment.

Informations confidentielles

Malgré le fait que le mandat de perquisition permettait seulement d'accéder au téléphone de Yosef Ifergan et de fouiller son ordinateur, les enquêteurs ont examiné les téléphones, ordinateurs et courriels de la famille, alors que le cellulaire du rabbin Pinto contient des informations confidentielles puisqu'il est membre d'un tribunal religieux (Beth Din), soulignent les requérants.

« L'AMF n'a absolument rien trouvé », soutient la poursuite.

« En raison de la durée de l'opération et du nombre de véhicules de police garés devant la résidence, plusieurs voisins des demandeurs ont réalisé que la police s'intéressait à la famille Pinto. »

« Vers la fin de l'opération, lorsque les requérants ont exprimé leurs inquiétudes à propos de l'impact sur leur réputation dans la communauté, ils se sont fait répondre de ne rien raconter à personne et d'inventer une histoire pour expliquer la présence des policiers. »

Les demandeurs affirment que l'opération menée par l'AMF s'est avérée « très traumatisante » pour la famille, en particulier pour les enfants qui ont eu besoin de rencontrer un travailleur social pour les calmer.

Le rabbin Momi Pinto, sa femme et leurs trois enfants réclament un total de 230 000 $ à l'AMF pour compenser, notamment, une atteinte à la dignité, à l'honneur et à la réputation découlant du comportement répréhensible et de l'attitude cavalière de l'AMF.

Appelée à réagir, l'AMF s'est refusée à tout commentaire.

L'AFFAIRE AMAYA EN BREF

L'AMF a déclenché son enquête pour délit d'initié peu après l'annonce en juin 2014 de l'acquisition de PokerStars par Amaya (aujourd'hui Groupe Stars). Plusieurs perquisitions ont depuis été effectuées et des accusations de délit d'initié ont été portées en mars 2016 contre trois personnes, dont l'ex-pdg d'Amaya, David Baazov.