Les difficultés du marché du carbone, auquel le Québec participe avec la Californie, ont coûté près d'un demi-milliard au Trésor québécois dans la dernière année.

Dans le budget qu'il a présenté mardi, le gouvernement Couillard révèle que les revenus du Fonds vert s'élèveront à 418 millions pour l'exercice 2016-2017. Le précédent budget tablait sur des revenus de 864 millions pour la même période.

En résumé, Québec n'a perçu que la moitié des sommes qu'il s'attendait à recevoir, un trou de 446 millions.

La plus grande partie des revenus du Fonds vert provient de la vente d'unités d'émission de gaz à effet de serre (GES) dans le cadre du marché du carbone. Cet ambitieux programme qui regroupe le Québec, la Californie et, bientôt, l'Ontario a connu une année 2016 désastreuse.

La Chambre de commerce de la Californie conteste la légalité du marché devant les tribunaux. L'affaire est devant la Cour d'appel de cet État et les observateurs s'attendent à ce qu'elle chemine jusqu'à la Cour suprême de l'État.

La poursuite a pesé lourdement sur les ventes aux enchères tenues dans la dernière année. Alors que les droits d'émission étaient quasiment tous vendus aux précédents encans, à peine 11 % des offrandes ont trouvé preneur en mai 2016, 35 % en août et 18 % en février 2017.

Le Fonds vert est le principal outil de Québec dans sa lutte contre les changements climatiques. Financé par les revenus du marché du carbone, dont les coûts pour les entreprises sont refilés aux consommateurs, il subventionne une série de programmes verts.

La chute des revenus du Fonds ne préoccupe pas outre mesure le ministre de l'Environnement, David Heurtel.

« Cette baisse de revenus ne remet pas en cause la capacité du Fonds vert à financer les programmes prévus au Plan d'action 2013-2020 puisque le Fonds vert dispose actuellement des sommes nécessaires à ses engagements et anticipe toujours des revenus globaux totaux d'ici 2020 qui permettent de respecter l'ensemble des engagements pris en matière de lutte contre les changements climatiques », a indiqué sa porte-parole, Émilie Simard.

Mme Simard souligne qu'un surplus de plus de 1 milliard avait été accumulé dans le fonds en date du 31 mars 2016. Ce coussin permettra de compenser la baisse de revenus de la dernière année.

« Le marché du carbone, comme son nom l'indique, est un marché et donc fluctue, en raison notamment de la flexibilité qu'il offre aux émetteurs assujettis pour assurer leur conformité environnementale.

« Les émetteurs peuvent choisir de réduire leurs émissions de GES plutôt que d'acheter des droits d'émission aux enchères du gouvernement, de même que choisir le moment où ils souhaitent acquérir ses unités. »

«Une crise»

Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie à HEC Montréal, qualifie de « crise » les déboires du marché du carbone dans la dernière année.

Le professeur souligne toutefois que la poursuite de la Chambre de commerce cible un élément de la loi californienne qui peut être modifié par l'assemblée législative de l'État, contrôlée aux deux tiers par la majorité démocrate. Il s'attend à ce que le marché se raffermisse en 2017, et même que la demande surpasse l'offre dans les prochaines ventes aux enchères.

Une telle éventualité ferait augmenter le prix des droits d'émission et permettrait au Québec d'éponger ses pertes.

« En bout de ligne, je crois que le Québec et la Californie vont faire plus d'argent », prévoit M. Pineau.

Le fait que les ventes des droits d'émission ont baissé abruptement depuis un an n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle, indique pour sa part Christopher Barrington-Leigh, professeur à l'Université McGill. Il y voit la preuve que les grandes entreprises industrielles polluent moins.

« Il y a un plafond en dessous duquel des droits de polluer ont été mis en vente. Tous les droits de polluer n'ont pas été vendus : on peut donc dire que c'est un succès. »

La gestion du Fonds vert a été sérieusement critiquée dans les dernières années. Un reportage de La Presse a révélé que les propres fonctionnaires du gouvernement n'ont parfois pas la moindre idée de l'impact des programmes financés par le Fonds.

« C'est une nouvelle source d'inquiétude qui s'ajoute aux ratés majeurs qu'on a connus en lien avec les dépenses du Fonds vert, a souligné le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin. Maintenant, c'est en lien avec les revenus qui semblent ne pas être au rendez-vous. 

« Ça soulève des questions quant à notre capacité de mettre en place des mesures pour réduire notre dépendance aux hydrocarbures, pour réduire la pollution, améliorer la santé et réduire la portion du portefeuille des Québécois qui va dans le transport. »