Le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, ne considère pas qu'il existe actuellement un déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces. «Il n'y a pas un déséquilibre fiscal aujourd'hui», dit-il en entrevue à La Presse dans le cadre de la réunion semi-annuelle des ministres des Finances du pays, qui s'est terminée hier à Ottawa.

Le ministre Leitao estime que le déséquilibre fiscal est un phénomène essentiellement lié aux années 90. «Probablement que, dans les années 90, il y en avait [un déséquilibre fiscal], dit le ministre Leitao. Ç'a été corrigé.» Y avait-il un déséquilibre fiscal dans les années 2000? «À mon avis, non», répond-il.

En 2002, la commission Séguin mandatée par Québec a conclu que le déséquilibre fiscal privait le Québec de 2,5 milliards de dollars par an. Le chef conservateur Stephen Harper avait promis lors de la campagne électorale de 2006 de régler la question du déséquilibre fiscal et son gouvernement avait conclu une entente à ce sujet avec le gouvernement Charest en 2007.

Les premiers ministres provinciaux ont recommencé à discuter de déséquilibre fiscal à l'été 2014. Selon un rapport du Conference Board du Canada, les provinces verraient, au rythme actuel, leurs déficits combinés passer de 16 à 172 milliards d'ici 2034-2035, tandis qu'Ottawa aurait des surplus de 110 milliards en 2034-2035. Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, parlait alors «d'asymétrie».

S'il ne pense pas qu'il y ait de déséquilibre fiscal actuellement, le ministre Leitao est aussi plus préoccupé par le phénomène à long terme. «Quand on regarde l'avenir, les prochains 10, 15, 20 ans, si rien ne se fait, c'est clair que les revenus s'accumuleraient à Ottawa», dit-il.

Santé  et infrastructures

Réunis au cours des deux derniers jours à Ottawa, les ministres des Finances du pays n'ont pas abordé la question du déséquilibre fiscal, selon le ministre Leitao. «Ça n'a pas été abordé, mais tout le monde est conscient que les dépenses en santé sont de 40% à 45% des dépenses de toutes les provinces», dit-il.

Le ministre des Finances estime toutefois que «le portrait change» avec le gouvernement Trudeau. «Pour ce qui est de l'avenir, étant donné la hausse des dépenses d'infrastructures, le stimuli fiscal mis en place par le nouveau gouvernement fédéral, le portrait change, souligne-t-il. L'été 2014, les premiers ministres des provinces avaient parlé de déséquilibre basé sur des études du Conference Board, qu'il faudrait revoir les formules de transfert sinon il y aurait un énorme déséquilibre au bout de 30 ans.»

Québec aimerait justement revoir la formule de calcul des transferts fédéraux en santé afin qu'elle tienne compte de l'âge de la population. Une telle modification avantagerait le Québec, dont la population est plus âgée que la moyenne du pays. La possibilité de modifier la formule de péréquation n'a toutefois pas été abordée lors des discussions du week-end. «Ce n'était pas à l'ordre du jour mais puisque les dépenses en santé sont une composante très importante de toutes les dépenses, nous avons fait allusion aux transferts en santé», mentionne le ministre Leitao. Le dossier sera piloté davantage par les ministres provinciaux et fédéral de la Santé.

Le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, a qualifié «d'exceptionnelle» la rencontre avec ses homologues provinciaux, soulignant «la très bonne collaboration» du ministre Leitao. Malgré les déficits plus importants que prévu, le ministre Morneau a réitéré l'intention de son gouvernement de hausser de façon importante les investissements en infrastructures.

Le Québec, champion de la péréquation?

Le Québec recevra 10,03 milliards en péréquation en 2016-2017, a annoncé Ottawa hier. Il s'agit de 57% de l'enveloppe totale de péréquation de 17,88 milliards. «Gênant!», a indiqué François Legault, chef de la Coalition avenir Québec, sur son compte Twitter.

Le Québec arrive toutefois au cinquième rang sur les six provinces qui reçoivent de la péréquation avec 1206$ par habitant en 2016-2017. Il se classe derrière l'Île-du-Prince-Édouard (2573$ par personne), le Nouveau-Brunswick (2259$), la Nouvelle-Écosse (1822$) et le Manitoba (1328$), mais devant l'Ontario (166$). «La formule de péréquation est une composante très efficace du fédéralisme fiscal canadien, dit Carlos Leitao, ministre des Finances du Québec. En 2008-2009, un des facteurs qui ont contribué à aggraver la crise financière dans l'Union européenne, c'est l'absence d'une formule de transfert.»

L'Alberta, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve-et-Labrador ne recevront pas de péréquation en 2016-2017. Certaines de ces provinces ont vu leur économie ralentir en raison de la chute du pétrole, mais la formule est calculée sur trois ans, ce qui ne fait pas le bonheur de tous. «La formule est la formule», résume le ministre des Finances de la Saskatchewan, Kevin Doherty.