Le milieu montréalais des affaires ne s'entend pas sur la place que devrait prendre un pôle logistique à Vaudreuil-Soulanges dans la stratégie maritime du gouvernement québécois.

Plusieurs craignent qu'avec la présence du terminal ferroviaire de CSX à Salaberry-de-Valleyfield, un tel pôle redirige vers les ports de la côte Est américaine des marchandises qui auraient autrement transité par le port de Montréal.

La voie ferrée de CSX ne se rend pas jusqu'au port de Montréal. Elle prend plutôt la direction du sud-ouest pour bifurquer par la suite vers des ports américains comme New York et Boston. «Habituellement, le milieu des affaires a des positions plus consensuelles, a déclaré le président de la chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, dans une entrevue avec La Presse Affaires hier matin, en marge d'un forum sur l'industrie du transport et de la logistique. Il n'y a pas de position consensuelle présentement, il y a surtout un questionnement.»

Privilégier les ports québécois

La présidente-directrice générale de l'Administration portuaire de Montréal, Sylvie Vachon, qui participait au forum, a insisté sur l'importance de privilégier les ports québécois.

«Nous, nous favorisons CargoM [la grappe de logistique et de transport de Montréal] et le port de Montréal», a lancé Mme Vachon, une position à laquelle a fait écho Madeleine Paquin, présidente et chef de la direction de Logistec.

Le vice-président au développement corporatif du Canadien National, François Hébert, a affirmé que le CN n'avait rien contre l'idée de créer de petits pôles alternatifs, comme à Contrecoeur, Vaudreuil-Soulanges ou dans l'est de Montréal.

«Ce avec quoi nous ne sommes pas d'accord, c'est de mettre tous nos oeufs dans un même panier et de faire un méga-site à Vaudreuil-Soulanges, a-t-il déclaré. Ce serait une erreur stratégique pour le Québec, cela favoriserait le port de New York.»

Julien Turcotte, directeur général du Centre local de développement de Vaudreuil-Soulanges, s'est montré surpris de voir qu'on se méfiait autant du projet de pôle logistique à Vaudreuil-Soulanges.

«Nous sommes là pour approvisionner le Québec», a-t-il lancé.

Jusqu'au milieu des années 2000, la voie ferrée de CSX se rendait jusqu'au port de Montréal. La voie était toutefois peu utilisée, au point où six Mohawks de Kahnawake ont été surpris, en février 2005, en train de découper huit kilomètres de rails pour les revendre, en section d'un mètre, à un ferrailleur.

Michel Leblanc, de la Chambre de commerce, a affirmé à La Presse Affaires que des joueurs de l'industrie de la logistique et du transport voyaient d'un bon oeil le pôle de Vaudreuil-Soulanges.

«Une des raisons pour lesquelles le gouvernement s'est montré favorable, c'est qu'à Cornwall [où passe la voie de CSX], en Ontario, on va développer la capacité vers la côte Est américaine, a-t-il indiqué. La stratégie, c'est que ce développement se fasse au Québec, et non pas en Ontario. Mais cette stratégie pourrait venir nuire à Montréal. Il y a une discussion à avoir.»

De la place pour tous

Le ministre québécois délégué aux Transports et à l'Implantation de la stratégie maritime, Jean D'Amours, a affirmé hier qu'en fait de développement maritime et d'intermodalité, il y avait de la place pour tout le monde.

«C'est dans le dialogue qu'on finit par faire avancer les affaires», a-t-il déclaré, après avoir prononcé une allocution dans le cadre du forum.

Dans le budget présenté en mars dernier, le ministre des Finances Carlos Leitao a fait savoir que la stratégie maritime conduira à des investissements de plus de 1,5 milliard de dollars d'ici 2020.

M. D'Amours a précisé hier que 400 millions seront investis dans les pôles logistiques, en particulier ceux de Vaudreuil-Soulanges et Contrecoeur, avec l'appui de partenaires. Il a indiqué que le gouvernement québécois exposera sa stratégie en détail d'ici la mi-juin.