Le dépôt d'accusations criminelles contre SNC-Lavalin jeudi a provoqué la colère d'un des pères fondateurs de l'entreprise. De sa retraite, Bernard Lamarre jette le blâme sur quelques «escogriffes cupides» tout en demeurant convaincu que la firme saura passer au travers de la crise.

«Je trouve ça plate certain! Tout le monde parle de la même affaire. J'ai hâte que ça aboutisse», a-t-il lancé d'un ton contrarié, lorsque joint par La Presse.

Au terme d'une enquête sur les agissements de SNC-Lavalin en Libye pendant le règne du dictateur Mouammar Kadhafi, la GRC a obtenu le dépôt d'accusations de corruption et fraude jeudi. L'entreprise a annoncé qu'elle plaidera non coupable et se défendra vigoureusement.

Un verdict de culpabilité pourrait empêcher la firme d'obtenir des contrats du gouvernement fédéral pendant 10 ans. La Banque mondiale suit aussi de près la situation de l'entreprise, qu'elle avait placée temporairement sur sa liste noire en 2013.

«Ça va être dur»

«S'ils n'ont plus d'ouvrage qui vient du fédéral, ni de la Banque mondiale, ça va être dur, mais ils vont passer au travers. Il y a encore de gros contrats qui fonctionnent», assure M. Lamarre. À 83 ans, il dit s'intéresser au dossier comme «observateur».

Bernard Lamarre avait présidé à la croissance marquée de Lavalin au cours des années 70 et 80, avant de démissionner de son poste à la suite de la fusion avec SNC, à l'aube des années 90. Il jure que les pratiques sur lesquelles la police a enquêté n'étaient pas de mise à son époque. «Pour nous, ç'aurait été impensable!», dit-il.

Lorsqu'on lui demande s'il est en colère contre les ex-dirigeants ciblés par l'enquête policière, il répond sans hésiter. «Oui. Ils ont mis SNC-Lavalin dans une position impossible. C'était une perle, SNC-Lavalin, et sa réputation a été salie par trois ou quatre escogriffes.»

«Il y a peut-être des gens qui se sont enthousiasmés. Ils étaient trop cupides», laisse-t-il tomber.

Peu inquiet d'un démantèlement

Bernard Lamarre a entendu le nouveau PDG, Robert Card, évoquer la menace d'un démantèlement ou d'une vente de SNC-Lavalin en cas d'accusation criminelle, dans une entrevue au Globe and Mail. Mais il n'y croit pas. «C'est toujours une possibilité, et ça ne serait pas bon, mais je ne pense pas que ça arrive», dit-il.

Il a peu à dire sur Riadh Ben Aïssa, qui a plaidé coupable à des accusations de corruption en Suisse et est toujours accusé au Québec d'avoir truqué l'appel d'offres du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). «J'ai rencontré Ben Aïssa une couple de fois. Il n'était pas très important dans la compagnie à l'époque. Il faisait de la commercialisation, mais n'avait pas d'autorité, surtout pas dans le domaine financier», raconte-t-il.

Il est plus loquace sur Pierre Duhaime, accusé de fraude dans le dossier du CUSM.

«Duhaime, je l'appréciais beaucoup. Il était en charge des travaux industriels à l'époque. Dans les travaux industriels, il n'y a pas de relations avec la politique. Il était un technicien et a fait ça de façon extraordinaire. Quand il est arrivé président, je pense qu'il n'a pas compris comment ça fonctionne.

«C'est de valeur. C'était un bon homme, mais il n'avait pas d'expérience dans le domaine public», explique-t-il.