Moins de huit mois après avoir quitté la direction de Québecor, Robert Dépatie vient d'accepter un nouveau défi de taille: il prendra la tête du Groupe St-Hubert avec l'objectif de donner un nouveau souffle à l'empire québécois du poulet.

L'homme de 56 ans remplacera dès février Jean-Pierre Léger, fils des fondateurs de la chaîne qui occupait la présidence depuis 1991. La nouvelle sera annoncée ce matin aux 10 000 employés de l'entreprise.

«Je suis très fier de prendre les rênes du Groupe St-Hubert, c'est une des compagnies les plus admirées des Québécois», a confié Robert Dépatie, rencontré hier dans une rôtisserie de Laval.

Jean-Pierre Léger, qui participait à cette rencontre avec La Presse Affaires, a pris contact lui-même avec Robert Dépatie en juin dernier, avant que s'enclenche un long processus d'embauche. Les deux hommes ne se connaissaient pas personnellement, mais M. Léger dit avoir suivi avec attention le parcours de son successeur pendant ses 10 ans à la tête de Vidéotron et Québecor.

«En restauration, on pense souvent à l'expérience client, et quand je regarde le redressement que Robert a fait chez Vidéotron, c'en a été tout un», a-t-il résumé.

Pendant son passage chez le câblodistributeur, Robert Dépatie s'est attelé à redorer la réputation catastrophique de l'entreprise en matière de service à la clientèle. Il a aussi contribué à faire passer le chiffre d'affaires de 800 millions à 2,5 milliards de dollars, créant au passage 4000 emplois.

Le bref passage de M. Dépatie à la tête de Québecor en remplacement de Pierre Karl Péladeau a été moins facile. Le dirigeant est parti pour des raisons de santé en avril dernier, moins d'un an après son arrivée, ce que diverses sources ont attribué à des dissensions entre les deux hommes.

Robert Dépatie dit avoir profité de ses sept mois de congé pour se reposer, voyager, faire de l'exercice et perdre quelques kilos. Il se dit aujourd'hui en pleine forme et refuse de trop élaborer sur cet épisode. «J'avais besoin de repos et de recul. Tout le reste, c'est de la spéculation. Ce qui compte pour moi aujourd'hui, c'est le Groupe St-Hubert.»

Défis de la restauration

Pour le nouveau président et chef de la direction de St-Hubert, ce mandat constitue en quelque sorte un retour aux sources. Robert Dépatie a travaillé pendant 20 ans dans le secteur alimentaire, notamment chez Planters et Heinz, et il se retrouvera en terrain connu avec certaines des activités du groupe.

St-Hubert exploite deux usines qui produisent une gamme de 800 produits - pâtés, tourtières, sauces, épices - vendus dans toutes les épiceries et grandes surfaces. Cette gamme génère même la majorité des profits du Groupe St-Hubert, dont le chiffre d'affaires tourne autour de 700 millions.

«L'alimentation, ça me stimule, a dit M. Dépatie. Les gens ne le savent pas nécessairement, mais ça nécessite de l'innovation, de la créativité, que ce soit dans le choix des menus, les choix d'emballage.»

Robert Dépatie fera un «stage» de quatre à six semaines pour se familiariser avec les restaurants de la chaîne. «Il va rôtir du poulet, croyez-moi!», a lancé en riant Jean-Pierre Léger, qui prendra pour sa part les rênes du conseil d'administration de l'entreprise établie à Laval.

Le nouveau président compte élaborer un plan stratégique à court, moyen et long terme avec l'équipe de direction «solide» qui est déjà en place. Parmi ses premiers défis, il devra trouver le moyen de redynamiser les 115 établissements du groupe, qui souffrent dans une certaine mesure de la concurrence accrue en restauration et du faible revenu disponible moyen des Québécois.

Inscription en Bourse?

Le Groupe St-Hubert, une entreprise à capital fermé, pourrait-elle se retrouver en Bourse? Robert Dépatie ne s'avance pas pour le moment, mais Jean-Pierre Léger, lui, montre désormais une certaine ouverture, après s'y être opposé catégoriquement pendant des années.

«Quand j'étais à la direction, c'est vrai que j'ai toujours dit que je ne voulais pas rendre l'entreprise "publique", a-t-il confié. Ceci dit, il y a un nouveau dirigeant en place, donc ça ne veut pas dire qu'un jour, ça ne pourrait peut-être pas se faire. Pourquoi pas? J'ai dit: non, on ne le fera pas, mais dans la vie, on peut changer d'idée.»

À 69 ans, M. Léger restera très actif au sein de l'entreprise, mais il compte prendre un peu plus de temps pour lui, une fois la transition effectuée.

Groupe St-Hubert

• 115 restaurants (une dizaine de corporatifs)

• 10 000 employés

• Environ 700 millions de chiffre d'affaires

• 31 millions de repas servis par année, dont: plus de 8,7 millions de kilos de poulet frais; plus de 6,7 millions de kilos de pommes de terre frites; plus de 3,1 millions de kilos de chou; plus de 700 000 kilos de côtes levées.