Pour atteindre son objectif du déficit zéro l'an prochain, le gouvernement Couillard ira chercher 600 millions de dollars de plus dans les poches des contribuables, des syndiqués, des automobilistes et des entreprises, tout en soutenant qu'il n'augmente pas les impôts ou les taxes.

Faisant le point sur la situation économique et financière du Québec, le ministre des Finances, Carlos Leitao, a martelé qu'il aurait été, selon lui, «inconcevable» de majorer les tables d'impôts ou de hausser la taxe de vente. Le Québécois est déjà le citoyen le plus taxé en Amérique du Nord, souligne-t-il. Mais Québec augmentera tout de même son fardeau fiscal en passant notamment par la réduction de crédits d'impôt.

Ainsi, on ira chercher annuellement 338 millions de plus chez les sociétés et 262 millions de plus chez les contribuables, des mesures qui s'appliqueront dès janvier prochain. Québec soutient avoir rempli 85% de son objectif pour atteindre l'équilibre budgétaire, mais son calcul inclut des économies de 689 millions sur la rémunération du secteur public, une opération délicate dont les détails restent à venir. «Les grosses mesures sont identifiées. Reste à s'assurer que nous maintenons la rigueur», dit M. Leitao.

Jusqu'ici, les syndiqués et les membres d'ordres professionnels pouvaient déduire 20% du coût de leurs cotisations annuelles. Ce crédit d'impôt est réduit à 10%, ce qui fera entrer 112 millions de plus dans les coffres de Québec, une hausse moyenne de 70$ par année pour les syndiqués. En tout, on touchera 1 million de personnes sur les 5 millions de contribuables.

Les automobilistes surtout seront malmenés. On hausse la taxe sur leur assurance auto pour les dommages matériels, alors que les propriétaires de grosses cylindrées paieront davantage pour l'immatriculation de leur véhicule.

Banques et assureurs

Comme l'indiquait La Presse mardi matin, Québec frappera aussi les entreprises, surtout celles du secteur financier, les compagnies d'assurances et les banques. Il hausse la taxe sur le capital pour les compagnies d'assurances pour l'assurance de personnes, ce qui lui procure 128 millions de plus l'an prochain. Il ajoute, pour deux ans, une surtaxe sur la masse salariale pour les institutions financières, une rentrée de 125 millions par année. Pour M. Leitao, frapper la masse salariale contribue à réduire l'emploi, mais Québec ne peut taxer ces institutions sur des profits réalisés en partie hors du Québec.

Après avoir réduit en juin de 20% l'ensemble des crédits d'impôt aux entreprises, Québec prend cette fois le scalpel et revoit les seuils d'admissibilité aux crédits pour la recherche et le développement, une économie de 58 millions. En revanche, on hausse les crédits pour la production cinématographique, qui avait durement encaissé la coupe de juin dernier.

Québec ne change pas son plan de match: l'équilibre sera atteint en 2015-2016. Il faudra toutefois attendre trois ans de plus pour que l'on constate les surplus que le Parti libéral (PLQ) s'était engagé à partager également entre les baisses d'impôts et la réduction de la dette. Le service de la dette coûte encore 11 milliards annuellement, soit 30 millions par jour, a illustré M. Leitao. L'an prochain, la dette atteindra «un nouveau sommet», déplore-t-il, soit 55% du produit intérieur brut, de la richesse collective du Québec.

Les perspectives économiques sont bonnes, insiste-t-il. Cette fois, la reprise aux États-Unis semble réelle, le rythme de la croissance économique aura doublé en trois ans, passant de 1% l'an dernier à 1,9% l'an prochain. La croissance des exportations est rapide avec la baisse de la valeur du huard, et la consommation reste au rendez-vous avec un robuste 2% de croissance annuelle.

85% de l'effort... sur papier

Avec les annonces de mardi, Québec estime avoir défini 2,4 milliards de compressions. Le gouvernement a toujours prétendu qu'il partait d'un déficit de 7 milliards pour 2015-2016, ce qui lui fait dire que 85% du chemin est désormais parcouru pour arriver à l'équilibre. Il reste 1,2 milliard à trouver dans le budget du printemps prochain.

Or, des zones d'ombre importantes demeurent, que le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, n'a pas voulu préciser. Québec inscrit des économies de 689 millions sur les dépenses de rémunération en 2015-2016, alors qu'il est déjà commis à donner 1% d'augmentation à partir d'avril prochain. Il reste muet sur ses intentions au-delà du gel d'effectifs déjà annoncé. «Un terrain d'entente devra être trouvé pour concilier les demandes des employés et la capacité de payer des contribuables», se borne à indiquer le document dévoilé mardi. Québec sort 200 millions de son chapeau en réduisant le coussin qui était prévu pour des imprévus.

Le gouvernement précise aussi qu'il attend des économies de 150 millions en améliorant l'efficacité de la livraison des soins en santé et des interventions en service social. La revue du financement des centres de la petite enfante (CPE), passés de tarif unique à des tarifs modulés selon le revenu, donnera 193 millions de plus au gouvernement. L'étalement de la rémunération des médecins libère 194 millions pour l'an prochain, la suspension des bonis aux hauts fonctionnaires, 42 millions.