Alors qu'Ottawa abaissera les taxes et les impôts dès l'an prochain, Québec envisage d'en profiter pour augmenter les siens. Il utiliserait les nouveaux revenus pour alléger le fardeau fiscal des PME.

Au cours d'une mêlée de presse, hier, le ministre des Finances, Carlos Leitao, a affirmé que «c'est une possibilité» que Québec récupère le champ fiscal abandonné par Ottawa. Il l'a déjà fait dans le passé: le gouvernement Charest avait augmenté de deux points la TVQ dans la foulée de la réduction de la TPS.

À la fin d'août, le premier ministre Philippe Couillard et ses homologues provinciaux ont dénoncé le retour d'un déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces. Québec est dans le rouge et prévoit le retour à l'équilibre budgétaire en 2015-2016 au terme d'une vaste opération de compressions.

Lundi, Stephen Harper a annoncé qu'il réduira le fardeau fiscal des Canadiens dès l'an prochain, alors qu'Ottawa retrouvera l'équilibre budgétaire et accumulera des surplus estimés à plus de 6 milliards de dollars dans le dernier budget. Il ferait une annonce à l'occasion de la mise à jour économique et financière, cet automne.

La «possibilité» de récupérer ce champ fiscal pose à ce stade-ci un «problème», puisque Québec ne sait pas quel type de réduction du fardeau fiscal le fédéral choisira, a indiqué Carlos Leitao. Le gouvernement récupérerait le champ fiscal abandonné par les conservateurs «dépendamment de ce qu'ils font».

Une baisse de la TPS serait «récupérable», mais Québec ne s'attend pas à ce qu'Ottawa privilégie encore cette option. Et «s'ils vont dans la direction du fractionnement du revenu, chose dont ils ont parlé avant, il n'y a pas grand-chose à récupérer de notre côté. Au contraire, ça nous forcerait à dépenser plus. Alors ça va dépendre de ce qu'ils vont faire», a expliqué M. Leitao.

Il a ajouté que dans l'éventualité d'une «baisse d'impôt classique» destinée à la classe moyenne, «ce serait beaucoup plus complexe que le provincial l'annule». La classe moyenne «souhaite un peu d'oxygène», a-t-il reconnu.

Carlos Leitao a expliqué que les nouveaux revenus tirés d'une récupération de champ fiscal serviraient à réduire la taxation des PME. «Récupérer, oui, mais ce revenu additionnel, je le mettrais ailleurs, surtout pour diminuer le fardeau fiscal total des PME. On ne parle pas de (diminuer) la taxe sur les revenus des entreprises, mais surtout les taxes sur la masse salariale», a-t-il souligné.

Malaise chez les libéraux

Les propos de M. Leitao ont suscité un malaise dans le camp libéral. Philippe Couillard disait en Chambre quelques instants plus tôt que son gouvernement «n'a aucunement l'intention d'augmenter ni les impôts ni les taxes des Québécois».

À la fin de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, Carlos Leitao, loin de s'amender, a répété brièvement ce qu'il disait plus tôt. «Je vais réitérer ce que le premier ministre a dit en Chambre: il n'est pas question pour nous d'augmenter le fardeau fiscal des contribuables québécois de quelque façon que ce soit», a-t-il affirmé. Le choix des mots est important, puisque la récupération par Québec d'un champ fiscal abandonné par Ottawa n'augmenterait pas au net le fardeau des Québécois. Ils paieraient moins à Ottawa et plus à Québec.

«Si en effet le gouvernement fédéral libère un certain champ de taxation, on verra à ce moment-là qu'est-ce qu'on fait. On ne peut pas présumer aujourd'hui quel champ sera libéré ou pas. Et si en effet un champ est libéré, à ce moment-là, nous on pourrait, hypothétiquement, l'occuper mais au bénéfice des PME», a conclu M. Leitao, tournant les talons aussitôt sans répondre aux questions.

Le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, Jean-Marc Fournier, a affirmé que cet enjeu est «hypothétique» puisqu'Ottawa n'a pas encore abaissé les taxes et les impôts. Il n'a pas exclu que Québec récupère le champ fiscal. «Si je vous dis que c'est une possibilité, vous allez dire que la décision est prise. J'aime mieux vous dire qu'il n'y a aucune décision de prise», a-t-il affirmé.