Près de 50% des travailleurs québécois n'ont pas de régime de retraite au travail et bon nombre d'entre eux n'épargnent pas suffisamment pour leurs vieux jours. Le rapport D'Amours, déposé en 2013, avait proposé une rente de longévité pour pallier ce manque d'épargne. Mais cette solution, jugée trop coûteuse, a été mise de côté.

Le Régime volontaire d'épargne-retraite (RVER), dont la mise en place commence en juillet, améliorera un peu la situation. Toutes les entreprises de plus de cinq employés devront l'implanter, mais la participation n'y sera pas obligatoire, ni pour les employés ni pour les employeurs. Et plusieurs déplorent le faible niveau de cotisation (4% du revenu).

Par ailleurs, les nombreux départs à la retraite qui se préparent dans les prochaines années risquent de créer une pénurie de main-d'oeuvre dans les entreprises. Quelques mesures ont été implantées pour inciter les Québécois à rester plus longtemps au travail, mais les experts estiment qu'il faudra faire plus.

Que proposent les partis à ce sujet?

Dans le programme du Parti québécois (PQ)

Le PQ veut permettre la restructuration des régimes de retraite à prestations déterminées.

Le PQ mise sur le RVER, dont les frais seront peu élevés, pour améliorer la situation des travailleurs sans régime de retraite. «Le régime volontaire va créer une habitude d'épargne, par le prélèvement des sommes à chaque paie, souligne Agnès Maltais, ministre du Travail. Ce n'est peut-être pas la meilleure formule, mais il n'y a pas de solution miracle.»

La restructuration des régimes de retraite à prestations déterminées, qui vise notamment à les mettre à l'abri des déficits, prévoit aussi l'élimination des avantages pour les travailleurs qui prennent leur retraite avant 55 ans, fait remarquer Mme Maltais. Ce qui les incitera à travailler plus longtemps, selon elle. Plusieurs mesures implantées récemment par Emploi-Québec ciblent spécifiquement les travailleurs âgés, rappelle la ministre.

Dans le programme du Parti libéral du Québec (PLQ)

Le PLQ veut favoriser le maintien des travailleurs d'expérience en emploi, notamment pour qu'ils puissent transmettre leurs connaissances.

«Le RVER devrait favoriser l'épargne, mais ce n'est pas suffisant», souligne l'économiste Carlos Leitao, candidat pour le PLQ, qui préconise une amélioration graduelle de la Régie des rentes du Québec (RRQ). «Une hausse des cotisations au régime public serait plus efficace que la rente de longévité.»

«Il faut aussi augmenter les pénalités pour les travailleurs qui réclament leur rente de la RRQ avant 65 ans et la bonifier pour ceux qui la demandent plus tard», ajoute M. Leitao, rappelant que l'ancien ministre des Finances, Raymond Bachand, avait prévu de telles mesures dans son dernier budget, avant que le Parti libéral perde le pouvoir.

Les règles fiscales doivent également être revues pour encourager la retraite progressive, notamment par le travail à temps partiel, note aussi l'économiste.

Dans le programme de la Coalition avenir Québec (CAQ)

La CAQ salue elle aussi l'arrivée du RVER. «À cause de la rareté de la main-d'oeuvre, les employeurs verront que c'est dans leur intérêt de participer au régime de retraite de leurs employés pour attirer les meilleurs», souligne Christian Dubé, candidat de la CAQ et ancien haut dirigeant chez Cascades. La réduction des taxes sur la masse salariale imposées aux entreprises les encouragerait aussi en ce sens, selon M. Dubé.

Pour inciter les travailleurs à reporter leur retraite, la CAQ préconise des ajustements aux règles de fiscalité. «On ne peut plus taxer comme il y a 20 ans, sans tenir compte du vieillissement de la population», dit Christian Dubé.

Dans le programme de Québec solidaire (QS)

QS veut instaurer un régime de retraite public et universel.

Selon le parti de gauche, il faut augmenter graduellement le taux de remplacement de revenu de la RRQ, jusqu'à une rente équivalente à 60% du revenu d'emploi - comparativement à 24% actuellement, pour un revenu maximal admissible de 52 000$.

«Le RVER a pour effet de dégager les entreprises de leur responsabilité de contribuer au régime de retraite de leurs employés», dit Amir Khadir, co-porte-parole du parti.

Le REER a aussi prouvé son inefficacité à assurer une retraite décente à la majorité des travailleurs, estime M. Khadir. La cotisation médiane des Québécois est de 2600$ par année. «Ce n'est pas avec ça qu'on va financer sa retraite, dit le député de QS. On laisse les gens seuls face aux risques des marchés pour financer l'essentiel de leur retraite. Ces milliards se retrouvent entre les mains de gestionnaires privés et ça coûte une fortune en frais de gestion. Le REER est une grosse arnaque.» Selon lui, un régime public permettrait une mutualisation des risques et une gestion plus prudente à long terme.

L'avis d'un expert

«Le RVER est un pas dans la bonne direction, mais ce n'est pas suffisant, dit Claude Montmarquette, directeur général du CIRANO. Le vrai problème, c'est la faible croissance économique: si les revenus ne sont pas là, la population n'a pas la capacité d'épargner plus.»

Pour encourager les travailleurs à retarder leur retraite, il faut, selon M. Montmarquette, réduire les impôts sur le revenu des particuliers et des entreprises. «Quand on taxe le travail, on n'encourage pas les gens à travailler et à investir», avance-t-il. Pour compenser la perte de revenus provenant des impôts, il suggère que l'État augmente les tarifs et les taxes à la consommation.