Les carrefours jeunesse-emploi du Québec devront procéder à des coupes douloureuses, si Québec ne parvient pas à s'entendre avec Ottawa au sujet de la formation de la main-d'oeuvre.

«Comme nous avons déjà une structure minimale, lorsqu'il y a des compressions, nous devons couper directement dans les services aux jeunes, a déploré le directeur général du Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec, Alexandre Soulières, dans une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. C'est dommage parce que nous avons de très bons résultats.»

Comme d'autres organisations québécoises en employabilité, les carrefours jeunesse-emploi dépendent en bonne partie des sommes fédérales versées au Québec en vertu d'une entente fédérale-provinciale sur le marché du travail. Ce transfert fédéral représente environ 116 millions de dollars par année.

Or, dans son budget de mars 2013, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a annoncé qu'il réduirait ce transfert de 70 millions. Il versera plutôt cette somme directement aux entreprises dans le cadre d'une nouvelle «Subvention canadienne pour l'emploi».

«De couper le financement et d'imposer un nouveau modèle, ça ne fait l'affaire de personne et ça fait fi du modèle québécois», dit Monique Sauvé, présidente du Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec.

Le gouvernement québécois a protesté auprès d'Ottawa et lui a demandé d'être exclu du nouveau programme de Subvention canadienne pour l'emploi, avec pleine compensation.

Le ministre Flaherty a toutefois persisté dans son budget du 11 février dernier et a fait savoir qu'il ira de l'avant avec la Subvention canadienne pour l'emploi à partir du 1er avril prochain.

La ministre québécoise du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Agnès Maltais, poursuit ses efforts auprès d'Ottawa, mais les carrefours jeunesse-emploi voient le 1er avril approcher à grands pas.

Un impact qui fait peur

Il est difficile d'évaluer l'impact exact de la décision fédérale sur le budget des carrefours jeunesse-emploi. Cet impact risque toutefois d'être dévastateur. «Il pourrait y avoir des coupes de postes, des coupes de points de services, les intervenants seraient moins présents», a énuméré Mme Sauvé.

Elle a fait savoir que plusieurs jeunes devaient prendre leur courage à deux mains pour se présenter à la porte d'un carrefour jeunesse-emploi et demander de l'aide.

«Si nous n'avons plus les ressources, nous allons perdre ces jeunes-là, a affirmé Mme Sauvé. Il faut être là à ce moment-là.»

M. Soulières a soutenu que le modèle québécois fonctionnait. «Les démonstrations sont très éloquentes», a-t-il affirmé.

Le Réseau des carrefours jeunesse-emploi a demandé à Raymond Chabot Grant Thornton d'effectuer une étude de ses impacts économiques pour démontrer leur importance.

Un jeune qui retourne aux études augmente son niveau scolaire: il peut espérer ainsi trouver un emploi mieux rémunéré (et payer plus d'impôts) et diminuer son risque de se retrouver au chômage.

Un jeune qui intègre un emploi va également payer plus d'impôts et recevoir moins de prestations gouvernementales.

Raymond Chabot Grant Thornton a toutefois noté qu'il était difficile, voire impossible, d'estimer ce qu'une personne aurait fait sans l'intervention d'un carrefour jeunesse-emploi. Si on estime que tous les impacts positifs sont dus à l'intervention des carrefours, on arrive à des retombées de 288 millions. Si on estime que trois personnes sur quatre auraient eu les mêmes impacts positifs sans l'apport des carrefours, on arrive avec des retombées de 72 millions.

> 16 612 jeunes qui ont fréquenté un carrefour jeunesse-emploi ont intégré ou réintégré un emploi en 2012-2013.

> 5721 jeunes ont effectué un retour aux études.

> Les jeunes qui ont consulté les carrefours jeunesse-emploi génèrent des retombées de 72 à 288 millions au Québec en revenus d'impôts supplémentaires et en versements d'aide sociale évités.

> Comme l'enveloppe annuelle de financement est d'environ 45 millions, on parle d'un bénéfice sociétal de 27 à 243 millions.