Le gouvernement Marois n'exclut pas la possibilité de déclencher des élections au printemps, peut-être même avant le dépôt du budget.

Le vice-premier ministre François Gendron, qui avait appuyé sur le frein l'automne dernier lorsque ses collègues songeaient à se lancer dans la mêlée électorale, estime que la conjoncture est maintenant favorable.

«Un gouvernement minoritaire doit toujours être prêt pour cette réalité parce qu'on ne sait pas à quel moment les deux autres formations politiques pourraient nous arriver avec une motion de confiance, donc il est légitime à ce moment-ci d'être prêt. Selon moi, ça l'était moins à l'automne», a dit M. Gendron, mercredi, à l'amorce d'un caucus de deux jours des députés péquistes à Shawinigan en Mauricie.

Selon lui, le gouvernement serait également légitimé de plonger le Québec en élection sans déposer de budget au préalable. À ses yeux, la seule obligation du gouvernement est de donner «l'heure juste» aux électeurs sur l'état des finances publiques.

«On va donner l'heure juste à l'électorat. Est-ce qu'il y a moyen de donner l'heure juste à l'électorat sans un budget? Je pense que oui, c'est possible ça», a-t-il dit.

Âgé de 69 ans, le doyen des parlementaires de l'Assemblée nationale affichait la forme d'un convalescent, mercredi, une semaine après avoir été transporté d'urgence à l'hôpital pour un malaise qu'il a attribué à une «intolérance alimentaire».

Les ministres rencontrés sur place sont demeurés prudents sur l'échéancier électoral, faisant valoir que la décision ultime de l'appel aux urnes appartenait à la première ministre Pauline Marois.

«Je ne sais pas quand aura lieu l'élection, je n'ai aucun contrôle sur le calendrier électoral», a dit le ministre des Institutions démocratiques, Bernard Drainville.

«Ma tâche est de faire avancer le projet de charte (des valeurs de laïcité) et la faire adopter. C'est la responsabilité que m'a confiée la première ministre et j'ai l'intention de poursuivre cet objectif», a-t-il ajouté.

Sa collègue du Travail, Agnès Maltais, n'a pas voulu commenter les rumeurs d'élection, disant vouloir se consacrer à ses dossiers, notamment celui, délicat, des fonds de retraite.

«On est là pour travailler, on est là pour servir, moi j'ai les forums sur les régimes de retraite à régler, ce sont de gros dossiers et moi je continue le travail», a-t-elle lancé.

Le président du parti, Raymond Archambault, a de son côté déclaré que toutes les options étaient sur la table en ce concerne la date du prochain scrutin.

«Tous les scénarios sont bons, mais la seule chose dont on est certain, c'est que les oppositions veulent défaire le gouvernement au budget», a-t-il dit.

Mais les partis d'opposition auront-ils l'occasion de voter sur le budget? La réponse n'est pas claire.

Tant le ministre des Finances, Nicolas Marceau, que le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, ont refusé net d'affirmer qu'il sera déposé avant le déclenchement de la prochaine campagne.

«Mme Marois a dit qu'on est en préparation d'un budget. On va en présenter un, je pense qu'en soit, c'est clair. Nul besoin d'un autre commentaire. On n'est pas dans les élections, on est dans la préparation d'un budget», a dit M. Bédard.

Le ministre Marceau s'est lui aussi limité à dire qu'il travaillait à la préparation du budget 2014-2015. Il n'a pas été en mesure de garantir que les électeurs pourront scruter le document avant la campagne.

«Je prépare un budget présentement. Quant au reste, ça relève de la première ministre. Ce que je peux vous dire, c'est que l'information (sur les données financières) que nous fournissons aux Québécois est de très haute qualité et on va continuer sur cette voie-là», a-t-il soulevé.

Le dernier, seul budget du ministre Marceau, a été déposé en novembre 2012.

La première ministre Marois, qui est arrivée à Shawinigan mardi à bord d'un hélicoptère depuis Montréal, n'a répondu à aucune question des journalistes.

La chef du gouvernement n'a pas ménagé les moyens pour arracher aux libéraux les trois circonscriptions - sur cinq - qu'ils détiennent en Mauricie.

Depuis le début de la semaine, pas moins de huit ministres ont été conscrits pour faire des «annonces» à grand renfort de fonds publics partout à travers la région. Au total, quelque 60 millions $ ont plu ces derniers jours sur la Mauricie et le Centre-du-Québec.

La CAQ accuse

La députée de la Coalition avenir Québec (CAQ) Sylvie Roy, qui représente la circonscription d'Arthabaska, a accusé le gouvernement d'avoir sciemment regroupé une série d'annonces pour avoir un impact dans l'électorat.

«Ils ont tout regroupé, tout retenu pour faire une flopée d'annonces comme ça, à des fins électoralistes, c'est ça qui me dérange, c'est la façon de faire du gouvernement», a-t-elle dit.

Mme Roy a estimé que les annonces multiples du gouvernement au cours des derniers jours n'effaceront pas le bilan négatif de sa décision de fermer  la centrale nucléaire de Gentilly-2.

«En fermant Gentilly-2 dans la région, on a perdu beaucoup plus d'emplois et les annonces que j'ai entendues, ça sert à consolider des emplois, mais je n'ai pas compris qu'on avait remis le compteur à zéro», a-t-elle dit.

Québec atteindra son objectif, promet Marceau

Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a pris l'engagement formel, mercredi, de respecter la cible du déficit budgétaire en 2014-2015.

Comme prévu à la feuille de route, le déficit ne dépassera pas 2,5 milliards de dollars, a assuré M. Marceau en point de presse au premier jour d'un caucus de 48 heures des députés péquistes à Shawinigan, en Mauricie.

«La cible de 2,5 milliards, c'est un maximum (et) nous allons l'atteindre. Ça se fait entre autres par la stimulation de la croissance économique et par un contrôle des dépenses, il n'y a rien qui a changé là-dessus», a dit le ministre.

M. Marceau a expliqué qu'un écart de 485 millions, attribuable aux déficits des régimes de retraite, à la politique de l'emploi et aux dépenses reliées à la tragédie de Lac-Mégantic, sera comblé «à l'intérieur des cibles de dépenses» du gouvernement.

Cet «enjeu» de 485 millions «apparaît en toutes lettres à la page A.60 de la mise à jour» économique et financière déposée en novembre dernier, a fait remarquer le ministre des Finances.

M. Marceau a fait cette mise au point après qu'une information eut circulé à l'effet que le déficit pourrait être plus élevé que la cible de 2,5 milliards.

Les partis d'opposition ont fait front commun pour accuser M. Marceau et le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, de masquer l'état réel des finances publiques.

Le whip en chef libéral Jean-Marc Fournier a soupçonné le gouvernement péquiste de se livrer à des manoeuvres comptables pour justifier son manque de rigueur dans le contrôle des dépenses.

«Clairement, ce que M. Bédard, et M. Marceau et le Parti québécois sont en train de faire, finalement, c'est de nous présenter de faux prétextes, de jouer avec les chiffres. On essaie de nous passer un sapin au niveau du contrôle des dépenses», a dit M. Fournier.

Le porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière de finances, Christian Dubé, a renchéri dans le même sens. Il a reproché à M. Marceau d'avoir perdu le contrôle des dépenses et d'utiliser les faux prétextes des régimes de retraite et de Lac-Mégantic pour se couvrir.

«Il a fait sa mise à jour économique puis il a dit qu'il y avait des problèmes avec les régimes de retraite, puis il a dit qu'il y avait un trou à combler, ce que je vous dis, c'est que le contrôle des dépenses, il n'est pas là, a-t-il clamé. Puis ils le savent qu'il n'est pas là.»