Né au lendemain de la crise financière, le programme encourageant les employés de Wall Street à dénoncer les crimes financiers commis par leur entreprise n'a produit que peu de résultats concrets jusqu'à présent. Des délateurs et leurs avocats commencent à s'impatienter.

Créé en juillet 2010 et véritablement opérationnel depuis août 2011, le nouveau programme de délation de la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de Wall Street, se voulait une arme de choc pour contrer les crimes financiers. En promettant aux dénonciateurs des récompenses allant jusqu'à 30% des sommes récupérées, le Bureau de la délation espérait obtenir de nombreux renseignements de qualité.

Pour l'année fiscale 2012, la SEC a ainsi reçu 3001 pistes. On parle d'environ huit dénonciations par jour! À la tête de cette division de la SEC, Sean McKessy reconnaît être très «encouragé par la qualité de l'information que nous recevons et par celle que nous avons reçue depuis la création du programme».

Le hic? Le programme n'a pour l'instant remis qu'une seule récompense, en août dernier. Le délateur en question - une femme, apparemment - a obtenu 30% des 150 000$ récupérés par la SEC, soit environ 50 000$.

Soulignant la complexité des procédures à suivre avant de pouvoir remettre une récompense, Sean McKessy se félicite que son unité soit parvenue à finaliser un cas si promptement.

«Si, dans trois ans, on me demande encore pourquoi nous n'avons fait qu'un seul paiement, il sera parfaitement approprié que les gens se demandent si je suis la bonne personne pour ce poste», dit-il.

En attendant, il croit qu'il faut remettre les choses en perspective et comprendre qu'il faut du temps pour étudier, enquêter, prouver et juger des malversations, sans parler des procédures pour ensuite remettre les récompenses aux informateurs.

Naturellement, les délateurs et les avocats qui les représentent, eux, sont plus impatients. Stuart Meissner, un avocat spécialisé dans ce type de cas, ne cache pas que certains de ses clients se demandent si ce ne sont pas leurs petits-enfants qui finiront par obtenir la récompense.

Enthousiaste à la création de cette division de la SEC, cet avocat new-yorkais avait même fait une campagne de publicité (diffusée au cinéma avant le film Wall Street: Money Never Sleeps) et créé un site web (SECSnitch.com) pour inviter les délateurs à soumettre de l'information à la SEC par l'intermédiaire de sa firme.

Il dit avoir été joint par plusieurs milliers de personnes désireuses de soumettre des renseignements à la SEC. Après analyse, l'avocat a soumis huit ou neuf cas à la commission, pour la plupart il y a deux ans de cela. Il attend toujours des nouvelles.

Comme d'autres, Stuart Meissner déplore surtout le peu d'information que la SEC fournit aux délateurs sur l'état de leur cas. À ses yeux, la lenteur et l'opacité du processus décourageraient même d'autres délateurs et avocats d'aller de l'avant.

«Beaucoup d'avocats ont décidé d'attendre et de voir. [...] À l'heure actuelle, les délateurs ne vont pas se précipiter, et les avocats vont hésiter à mettre du temps s'ils ne sont pas convaincus que ça en vaut la peine», précise-t-il.

La création du Bureau de la délation au lendemain de la crise financière, dans le cadre de la réforme Dodd-Frank, avait suscité passablement d'attentes. Avant ça, la SEC n'avait qu'un programme pour encourager la dénonciation des délits d'initiés.

En ouvrant la dénonciation à toutes sortes de crimes financiers, la réforme et la SEC laissaient présager le début d'une nouvelle ère. «Mais on juge l'arbre à ses fruits. On verra si c'est vrai ou pas», conclut Stuart Meisner.

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Nombre de récompenses versées par la SEC à des délateurs ayant permis de sanctionner une fraude financière depuis la création du Bureau de la délation, en juillet 2010.

Le Bureau de la délation promet d'offrir des récompenses allant de 10 à 30% des sommes récupérées aux délateurs qui donnent de l'information permettant à la SEC d'imposer des sanctions de plus de 1 million de dollars.

Pour l'année fiscale, le Bureau de la délation de la SEC a reçu 3001 renseignements en provenance des 50 États américains et de 49 pays dans le monde.