Il n'y a pas que les partis politiques qui mobilisent leurs partisans pour influencer les sondages sur l'internet.

En pleine tourmente, le géant montréalais de l'ingénierie SNC-Lavalin a lancé un appel par courriel, le 12 avril dernier, qui invitait les destinataires à participer à un sondage sur LaPresse.ca.

Signé par Leslie Quinton, vice-présidente communications mondiales d'entreprise chez SNC-Lavalin, le courriel que La Presse a obtenu porte le titre: «On a besoin de vos votes». Il demandait aux destinataires: «Pouvez-vous voter dès que possible et encourager vos proches à le faire aussi? Aujourd'hui seulement.»

Comme la liste est confidentielle, on ignore combien de personnes ont reçu l'appel et combien y ont répondu. «J'ai effectivement informé quelques bonnes connaissances de l'existence du sondage de La Presse dans lequel ils pouvaient exprimer leur opinion, comme tout autre membre du public», a précisé par courriel Mme Quinton.

Elle fait ensuite allusion à la personne qui a transmis le courriel à La Presse et formule l'hypothèse qu'un groupe de destinataires n'aurait pas voté en faveur de SNC-Lavalin. «Apparemment, mon courriel a été transféré à d'autres personnes, qui visiblement ont voté non au sondage, opinion à laquelle ils ont également le droit.»

La question du jour de LaPresse.ca demandait aux internautes s'ils étaient toujours fiers de la firme de génie, «malgré les récentes révélations sur les liens entre SNC-Lavalin et le régime Kadhafi en Libye». Une majorité des 11 509 répondants, soit 57%, ont répondu non, contre 33% qui se sont dits toujours fiers.

Les données stockées sur les serveurs de LaPresse.ca n'ont pas permis d'établir si le sondage avait fait face à un afflux inhabituel de répondants après l'appel lancé par la vice-présidente de SNC-Lavalin, à 16h21. On ignore en outre si les résultats du vote ont été changés de façon significative.

Reportage dévastateur

Le nombre de répondants «n'a rien d'inhabituel», précise le responsable des pages Débats à La Presse et LaPresse.ca, Jean-Pascal Beaupré. «Je serais très surpris qu'il y ait eu une forte influence sur le vote. À 11 000 répondants, ça prend plusieurs personnes pour changer le résultat.»

Les liens entre SNC-Lavalin et le régime Kadhafi avaient été décrits la veille dans un long reportage signé Isabelle Hachey dans La Presse. On y avait notamment rapporté que SNC-Lavalin était considérée comme «la firme de Saadi Kadhafi», fils du dictateur tué en octobre 2011 après 42 ans de règne.

Les tentatives de noyautage du sondage en ligne de LaPresse.ca sont plutôt rares et détectées assez facilement, note M. Beaupré. «Après le premier millier de répondants, les proportions ne changent presque plus. Dès qu'il y a un changement de plus de 2%, on s'en rend compte.»

Le 27 mai 2011, le bureau du premier ministre Jean Charest avait lancé un appel semblable pour répondre à un sondage concernant le ministre de la Santé, Yves Bolduc. La Presse avait également obtenu le courriel à cette occasion. L'attaché de presse du premier ministre avait soutenu qu'il s'agissait d'une «initiative personnelle» d'une adjointe aux communications.