Frustration, incompréhension, résignation... Les automobilistes montréalais ont dû composer avec un bond brutal de 10 cents le litre d'essence, hier, une hausse «injustifiée» selon le Mouvement Desjardins.

Le prix a grimpé jusqu'à 1,374$ le litre dans la métropole, alors qu'il se situait aux alentours de 1,28$ la veille. «C'est sûr qu'un mouvement soudain comme ça, de 9 ou 10 cents dans une journée, ce n'est rien pour aider l'automobiliste à comprendre et à rester serein», a souligné Mathieu D'Anjou, économiste principal chez Desjardins.

Pour les détaillants montréalais, le coût d'acquisition de l'essence se situait à 127,5 cents à la fermeture des marchés mercredi soir.

Le prix de vente d'hier leur a donc permis d'empocher une marge brute de près de 10 cents le litre, soit près du double de ce qu'ils touchent en moyenne.

«On pourrait imaginer qu'un prix entre 1,32$ et 1,34$ serait raisonnable en ce moment, a fait valoir l'économiste Mathieu D'Anjou à La Presse Affaires. Les 3 ou 4 cents de plus, c'est peut-être une marge excessive que les détaillants essaient d'aller se chercher.»

Selon l'économiste de Desjardins, le prix pratiqué hier par les stations-services montréalaises est «dur à justifier». Il apparaît d'autant plus élevé que le coût de l'essence a seulement grimpé de 1 cent en moyenne hier à l'échelle du Canada, à 1,20$, d'après les chiffres de La Presse Canadienne.

«Rattrapage»

Les représentants de l'industrie l'admettent: ils étaient en mode rattrapage, hier. Après avoir vendu l'essence presque au prix coûtant pendant plusieurs jours, ils ont gonflé le prix de façon salée pour regarnir leurs coffres.

«Si on passe plusieurs jours au prix plancher, c'est-à-dire à un endroit où la marge est près de zéro, il y aura du rattrapage, a avancé Carol Montreuil, vice-président de l'Institut canadien des produits pétroliers. Et quand on sait que, chaque année, la marge est toujours autour de 6 ou 7 sous le litre, si on passe de longues périodes près de zéro, on va aussi passer des périodes à 10 cents.»

M. Montreuil reconnaît que la volatilité des prix à la pompe est «choquante» pour les automobilistes. Il se dit toutefois opposé à une réglementation encadrant les prix, qui serait, affirme-t-il, plus coûteuse au bout du compte que le libre marché actuel.

Pour tenter d'apaiser les fluctuations - et l'humeur des automobilistes -, l'Association québécoise des indépendants du pétrole (AQUIP) a proposé en 2011 une modification législative qui lierait le coût à la pompe au prix de gros payé par les détaillants. L'écart maximal se situerait entre 3 et 6 cents le litre, selon cette proposition qui n'a pas trouvé d'écho au gouvernement.

«Comme les prix varient peu d'une journée à l'autre, il n'y aurait jamais de variation de plus que quelques cents (à la pompe)», a expliqué hier René Blouin, conseiller principal de l'AQUIP.

Iran et Nigeria

Le prix du baril de pétrole a atteint mercredi son plus haut niveau en huit mois à New York, après que l'Union européenne eut conclu un accord de principe pour boycotter le pétrole iranien. Les marchés sont également nerveux en raison de manifestations au Nigeria, grand producteur mondial d'or noir.

Le baril de light sweet crude a quelque peu retraité hier (-1,4%), pour clôturer à 101,81$US. Mathieu D'Anjou, de Desjardins, prévoit un cours moyen de 87$US en 2012, ce qui devrait maintenir le prix de l'essence à la pompe légèrement sous la barre de 1,30$ à Montréal.

La situation iranienne pourrait cependant réserver des surprises cette année, puisque le régime du président Mahmoud Ahmadinejad menace de fermer le détroit d'Ormuz, canal stratégique pour le commerce mondial.