Au moment où les subventions à l'économie verte sont de plus en plus critiquées, l'industrie des technologies propres sent l'urgence de faire grandir ses entreprises pour créer des emplois. Mais pour transformer les jeunes pousses en géants verts, elle aimerait pouvoir compter davantage sur l'aide des entreprises établies.

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C'est ce qui est ressorti d'un atelier mené hier en marge du forum Écocité sur l'écologie et l'urbanisme. Des participants de partout dans le monde ont échangé des trucs de jardinage destinés à faire pousser les entreprises de technologies propres, un univers où les petites boîtes en démarrage abondent, mais où les géants sont rares.

«Il va falloir amener dans une même salle l'éléphant - ça peut être Alcan, Alcoa, SNC-Lavalin, Hydro-Québec - et nos innovateurs pour qu'ils se comprennent.

«Parce que pour l'instant, il y a une incompréhension entre le monde de la petite entreprise et la grande corporation», dit Denis Leclerc, président d'Écotech Québec - la grappe des technologies propres de la province.

Micah Kotch, directeur des opérations d'un incubateur de New York qui se consacre à faire naître des entreprises de techno verte, a bien résumé les motivations derrière ce souhait.

C'est que contrairement au secteur des applications web, par exemple, où trois gars dans un sous-sol peuvent accoucher d'un jeu à succès comme Angry Birds, les entreprises en environnement ont besoin d'aide pour percer.

«Le problème de cette industrie, c'est qu'il faut presque toujours établir des partenariats avec ceux qui contrôlent la distribution, a expliqué M. Kotch à La Presse Affaires. Vous ne pouvez rien faire de gros dans le domaine de l'eau ou de la gestion des déchets sans vous associer à des géants. Vous ne pouvez rien faire de gros en électricité sans vous associer aux fournisseurs de services publics. Vous ne pouvez rien faire de gros dans le domaine du vent sans la multinationale Siemens.»

Un éléphant dans la salle

Un éléphant, il y en avait justement un dans la salle, hier. Veolia, multinationale française des technos environnementales qui compte 315 000 employés dans 77 pays, avait envoyé un vice-président pour présenter son programme d'accélérateur destiné aux entreprises en démarrage.

Condamnée à rester à l'affût des plus récentes technologies pour demeurer compétitive, Veolia a créé un programme qui offre aux entreprises en démarrage les plus prometteuses de s'allier avec elle pour tester leurs idées.

L'avantage pour les petites entreprises est triple, a soutenu hier Michel Morvan, directeur scientifique de Veolia Environnement. Elles peuvent tester leurs technologies à grande échelle sur les projets pilotes de Veolia, ce qui est difficile à faire par elles-mêmes. Elles gagnent un accès au marché et augmentent leur crédibilité auprès des investisseurs en s'associant à un joueur reconnu.

Ceux qui travaillent avec les petites entreprises ont jugé l'idée intéressante, tout en conservant une certaine méfiance.

«Pour une petite boîte, ça revient à danser avec un éléphant, a commenté Micah Kotch, de l'incubateur new-yorkais ACRE. Il y a un danger de se faire écraser.»

Denis Leclerc, d'Écotech Québec, est aussi conscient de ces risques, mais souhaiterait tout de même que les entreprises québécoises et canadiennes s'engagent davantage dans des formules semblables.

À New York, Micah Kotch a aussi lancé un programme destiné à recycler d'anciens cadres ayant fait leurs preuves dans d'autres secteurs vers l'industrie des technologies propres.

«On prend des gars qui ont 20 ans d'expérience dans les technologies de l'information ou la pharmaceutique et on leur montre les rudiments des technologies propres», explique-t-il. Il espère que ces leaders sauront prendre de petites boîtes souvent lancées par des gens plus férus en technologies qu'en affaires et les faire grandir.

On sentait une certaine urgence chez les participants à trouver des moyens pour que le secteur des technologies propres accouche d'entreprises de grande taille capables d'embaucher massivement des travailleurs.

L'incertitude économique aidant, les critiques envers les subventions vertes se font en effet plus vigoureuses partout dans le monde, les emplois promis tardant à se matérialiser.

Certains ont d'ailleurs brandi un éditorial du quotidien The Globe and Mail publié le jour même qui incitait le premier ministre ontarien, Dalton McGuinty, à cesser d'injecter des fonds publics pour créer des emplois verts qui ne viennent pas, qualifiant de «mirage» le rêve d'une économie verte.