Victoire serrée des propriétaires du Canadien de Montréal dans leur match le plus important des sept dernières années sur le plan financier: celui âprement disputé contre la Ville de Montréal au sujet de l'impôt foncier du Centre Bell.

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Après un litige de presque quatre ans, le Tribunal administratif du Québec (TAQ) a finalement tranché: le Centre Bell se verra rembourser par la Ville de Montréal la somme de 5,8 millions de dollars pour des impôts fonciers payés en trop, intérêts inclus. À l'avenir, la facture d'impôt foncier du Centre Bell devrait passer de 10 millions à 8,5 millions par année, soit une réduction annuelle de 1,5 million.

L'impôt foncier du Centre Bell a été réduit de 11,1 millions entre 2004 et 2010, soit 1,6 million par année incluant les intérêts. En contrepartie, la Ville de Montréal facturera 5,3 millions au Centre Bell en raison de la hausse de valeur des locaux en location entre 2004 et 2007. Au cumulatif, la Ville remboursera 5,8 millions aux propriétaires du complexe.

Décision-fleuve

Dans une décision-fleuve de 274 pages rendue vendredi, le Tribunal administratif du Québec a conclu que la valeur foncière du Centre Bell était de 139 millions pour les années 2004-2006 et 172 millions pour les années 2007-2010. Le domicile du Tricolore, inauguré en 1996, a été construit au coût de 240 millions.

La Ville de Montréal avait calculé l'impôt foncier du Centre Bell en l'évaluant à 150 millions pour les années 2004-2006 et à 225 millions pour les années 2007-2010. Le TAQ a ramené la valeur foncière de l'édifice respectivement à 139 millions (-7,3%) et 172 millions (-23,6%).

Devant le TAQ, la Ville de Montréal avait augmenté la valeur du Centre Bell respectivement à 193 millions et 230 millions, tandis que les propriétaires du Centre Bell demandaient plutôt d'établir sa valeur respectivement à 49 millions et 60,5 millions.

Malgré les réductions d'impôts consenties, le TAQ s'est tout de même rendu en partie aux arguments de la Ville puisque le tribunal a statué plus près de ses évaluations que de celles des propriétaires du Centre Bell. Les écarts en faveur de la Ville sont de 18 millions pour le rôle de 2004-2006 et de 48 millions pour le rôle de 2007-2010.

Le litige - fort probablement le plus long de l'histoire du Québec en matière d'impôt foncier - a nécessité 154 jours d'audience. Quand les juges administratifs Véronique Pelletier, Manon Goyer et Mathieu L'Écuyer ont commencé à entendre la cause en novembre 2007, Guy Carbonneau était l'entraîneur du Canadien et Cristobal Huet défendait le filet du Tricolore.

La décision du TAQ ne clôt toutefois pas le débat des impôts fonciers des propriétaires du Centre Bell, qui contestent toujours leur nouvelle évaluation municipale de 285 millions pour les années 2011-2013. Les deux parties pourraient toutefois s'entendre à l'amiable en respectant les principes de la décision du TAQ, qui ne couvre pas le rôle foncier 2011-2013. Une entente à l'amiable leur éviterait les frais d'un autre litige qui pourrait traîner en longueur.

Pour l'année financière 2011, la Ville de Montréal estime qu'elle devra rembourser au Centre Bell la somme d'au moins 1,5 million de dollars sur ses 10 millions d'impôt foncier en raison de la décision du TAQ. L'impôt foncier de l'année 2011 est basé exceptionnellement sur une évaluation municipale ajustée du rôle de 2007-2010. «Nous avons prévu les provisions minimales pour rembourser (le Centre Bell) en fonction du jugement. Cette décision n'aura donc pas d'incidence sur l'équilibre budgétaire de 2011», a indiqué Patricia Lowe, porte-parole de la Ville de Montréal, par courriel à La Presse Affaires.

La Ville de Montréal a voulu réserver ses commentaires afin de prendre connaissance du volumineux jugement. Le Groupe CH, qui possède le Centre Bell, le Canadien de Montréal et le promoteur de spectacles evenko, n'a pas voulu commenter la décision du TAQ. Les deux parties ont 30 jours pour faire appel du jugement à la Cour du Québec.

Le TAQ a utilisé trois méthodes pour calculer la valeur du Centre Bell: le coût de remplacement, les comparatifs et les revenus.

En juin 2009, le Centre Bell, le Canadien de Montréal et le promoteur de spectacles evenko ont été vendus à un consortium mené par la famille Molson pour 575 millions, mais la valeur de l'édifice dans la transaction n'a jamais été rendue publique.