Le gouvernement Charest affirme que le vaste programme de développement du Nord québécois qu'il a lancé lundi va rendre la province plus riche, mais on est loin d'une manne pour les finances publiques, affirment des chercheurs contactés hier.

Selon des chiffres fournis par le ministère des Finances, le Plan Nord rapportera 14,3 milliards de dollars à l'État québécois au cours des 25 prochaines années. Cette projection comporte 3,1 milliards en droits miniers, 2,2 milliards en redevances hydrauliques - qui seront versées par Hydro-Québec -, et 8,9 milliards en recettes fiscales, qui comprennent les taxes ainsi que l'impôt des travailleurs et des sociétés.

Le Plan Nord, qui table en grande partie sur des projets miniers et hydroélectriques, engendrera donc des retombées fiscales moyennes de 572 millions par année. C'est moins de 0,01% des dépenses annuelles du gouvernement, lesquelles s'élevaient à plus de 69 milliards dans le dernier budget du ministre Raymond Bachand.

De ces revenus, il faut déduire les centaines de millions que Québec va investir avec le secteur privé pour bâtir des routes, fait valoir Bertrand Schepper, chercheur à l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS). Selon lui, le gouvernement devrait faire ses frais avec le Plan Nord, tout au plus.

«Ce ne sera pas une manne pour le Québec, tranche-t-il. On n'embauchera pas de nouvelles infirmières avec ça, c'est certain.»

Pour que le développement du Grand Nord soit rentable pour l'ensemble de la province, poursuit-il, Québec doit réformer le régime des droits miniers. Selon le modèle actuel, ce sont les profits des sociétés minières qui sont imposés. Le gouvernement Charest a graduellement augmenté le taux d'imposition, ces dernières années, et il s'établira à 16% en 2012. Mais selon M. Schepper, le régime devrait plutôt imposer les sociétés en fonction de la valeur du minerai qu'ils retirent du sol.

«Si l'on veut que ce soit un projet de société à long terme, dit-il, il va falloir augmenter les redevances minières.»

Une stratégie risquée

Peu de pays ont réussi à s'enrichir grâce aux mines, souligne de son côté Jean-Thomas Bernard, professeur au département de l'économie à l'Université Laval. Les cours des ressources naturelles sont notoirement volatils et rien ne garantit que l'appétit des minières pour les ressources du Nord québécois va se maintenir au cours des prochaines années.

«Tôt ou tard, les prix vont baisser, prévient-il. L'histoire économique est ainsi.»

Dans un tel contexte, le professeur s'explique mal la stratégie du gouvernement Charest, qui s'apprête à mettre des centaines de millions dans la construction d'infrastructures.

«Il aurait fallu qu'ils vendent les droits d'exploration aux enchères, estime M. Bernard. Ce qu'on fait maintenant, c'est qu'on prépare la table avec des routes et des aéroports et on dit aux entreprises qu'elles sont les bienvenues. Si c'est rentable, le gouvernement en retirera quelque chose. Sinon, il n'en retirera rien. Donc le gouvernement supporte beaucoup de risque.»

Retombées fiscales du Plan Nord (sur 25 ans)

Droits miniers: 3,1 milliards

> Redevances hydrauliques: 2,2 milliards

> Recettes fiscales (taxes, impôt des particuliers et des sociétés): 8,9 milliards

> Total: 14,3 milliards (570 millions par année sur 25 ans)

> Dépenses de l'État québécois au dernier budget: 69 milliards

Source: ministère des Finances