L'auto peut être assurée, mais pas la maison.

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Cette particularité du domaine de l'assurance touche des milliers de résidents du Haut-Richelieu, aux prises ces jours-ci avec une inondation printanière d'une gravité sans précédent.

Selon les assureurs, les dommages attribuables à une «crue des eaux» saisonnière sont parmi les exclusions de base de presque toutes les polices d'assurance-habitation. Et ce, peu importe l'ampleur de l'inondation printanière.

«Ça fait partie des deux types de risque de catastrophes naturelles qui ne sont pas assurables pour des immeubles: l'inondation par une crue des eaux printanières et des mouvements de sol tels que les glissements de terrain», indique Anne Morin, du Bureau d'assurance du Canada (BAC).

L'auto, c'est couvert

En revanche, avec les véhicules automobiles, la plupart des polices d'assurance peuvent contenir une clause de protection contre les dommages d'inondation. Pourquoi cette différence?

D'après des assureurs importants comme Desjardins et Intact/Bélairdirect, deux facteurs principaux expliquent cette situation.

L'automobile est un bien meuble qui peut être déplacé en cas de risque d'inondation, ce qui en réduit le risque de dommage et d'indemnisation du point de vue des assureurs.

Mais dans le cas des immeubles, le risque d'inondation par la «crue des eaux» est qualifié par les assureurs comme un «événement prévisible». Du coup, toute couverture à cet égard est considérée à risque trop élevé de réclamations récurrentes d'une année à l'autre.

Les assureurs d'immeubles au Québec doivent composer depuis des années avec une augmentation soutenue des réclamations pour des dommages causés par l'eau.

Mais il s'agit surtout de dommages attribuables à des infiltrations d'eau provoquées par des «événements imprévisibles» tels qu'un épisode de pluie diluvienne, un bris de conduite d'eau, un refoulement d'égout ou un bris de plomberie.

«Les dommages d'eau sont devenus la principale cause de réclamations en assurance d'immeubles au Québec, à hauteur d'environ 500 millions par an», confirme Anne Morin, du BAC.

Des infrastructures vieillisantes

Quant à la cause de cet afflux de réclamations, le diagnostic reste partagé. «Une partie est due au vieillissement des infrastructures de services publics et des bâtiments, ce qui augmente la fréquence des bris d'équipement. Par ailleurs, de plus en plus de propriétaires résidentiels ajoutent une clause spécifique de protection à leur police d'assurance. C'est parfois après avoir subi un premier incident, mais aussi après avoir aménagé le sous-sol en pièce habitable» explique la porte-parole du BAC.

Quant à la situation dans le Haut-Richelieu, en dépit des limites de leur couverture, les assureurs rapportent une vague de requêtes de la part de leurs clients dans la région. Cela provoque aussi un sursaut d'activités parmi leurs effectifs de services aux clients et d'inspection de sinistre.

«La plupart des requêtes d'assurés doivent être inspectées sur place afin de constater que les dommages ne proviennent pas de la crue d'un cours d'eau, qui n'est pas assurable. Mais s'il s'agit d'un refoulement d'égout, c'est habituellement couvert, peu importe la cause», explique Alexandre Royer, porte-parole de l'assureur Intact.

Cet assureur dirigé de Toronto fonctionne aussi au Québec avec la marque de commerce Bélairdirect. Intact détient la deuxième plus grosse part de marché (16%) au Québec derrière Desjardins, qui cote à 21% selon les plus données compilées par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Chez Desjardins Assurances générales, on confirme avoir déployé des «moyens et des effectifs supplémentaires» pour répondre aux requêtes des clients touchés par l'inondation du Haut-Richelieu.

«Nous sommes en mode vigilance, ce qui signifie plus d'heures de travail pour notre personnel afin de traiter les requêtes des clients au fur et à mesure», a indiqué Frédéric Pothier, porte-parole de Desjardins.

Le marché des assurances dommages pour les immeubles et l'automobile (IARD) représente plus de 720 millions en revenus annuels de primes pour Desjardins, selon les données compilées par l'AMF.

En comparaison, ses deux principaux concurrents au Québec, les assureurs Intact et Axa, reçoivent davantage de primes: plus de 800 millions pour Intact et 735 millions pour Axa.

Cette différence avec Desjardins tient surtout à la plus grande présence d'Intact et d'Axa dans le marché plus spécifique des assurances pour les immeubles et les biens d'entreprises.

Sur le marché des assurances de biens de particuliers, Intact et Desjardins jouent du coude dans l'automobile avec des parts de marché respectives de 17% et de 16% au Québec.

Dans l'assurance-habitation, Desjardins mène avec 21% du marché québécois contre 16% chez Intact et 10% chez Axa, toujours selon les données compilées par l'AMF.