Prévenir des famines en Afrique. Localiser des camps de réfugiés. Rentabiliser une salle de spectacle. Aider une entreprise à s'installer sur la bonne artère commerciale. Pour la PME trifluvienne Inventis, la géographie n'a pas de frontières.

Si le géographe Mathieu Lahaye a fondé Inventis à sa sortie de l'université en 2005, c'est pour une seule raison : il ne trouvait pas d'emploi à son goût ailleurs. «J'avais le choix entre l'enseignement ou la fonction publique, et les deux options ne m'intéressaient pas, dit le président d'Inventis. Sauf que j'avais fait beaucoup de recherches à l'université sur la géo appliquée au marketing et au monde des affaires...»

Fibre entrepreneuriale ou pas, Mathieu Lahaye a aujourd'hui des clients sur trois continents. Son dernier mandat d'importance ? Aider l'ONU à répertorier les réfugiés en Afrique. Inventis utilise sa technologie et les données satellites des Nations unies afin de créer des cartes géographiques des camps de réfugiés tenant compte de leurs déplacements. Le Haut commissariat pour les réfugiés des Nations unies, qui a choisi Inventis en novembre dernier au terme d'un appel d'offres uniquement pour des firmes canadiennes, pourra ainsi porter assistance aux réfugiés plus efficacement. «Ils pourront prendre des décisions plus éclairées», dit le géographe de 27 ans.

Ce n'est pas la première fois que la PME de Trois-Rivières cartographie le territoire africain. En 2006, Inventis a mis sur pied un système d'alerte pour la prévention de crises alimentaires dans l'ouest de l'Afrique pour le compte de l'UNICEF. Deux ans plus tard, un mandat similaire atterrit dans les bureaux d'Inventis au centre-ville de Trois-Rivières : dresser une carte de données agricoles au Niger pour le Programme alimentaire mondial de l'ONU. «Avant, toutes les données de l'ONU étaient analysées en silos. En les combinant sur une même carte, on prévoit mieux les besoins et l'aide arrive plus vite», dit Mathieu Lahaye, qui a passé deux mois en Afrique.

Le marketing d'abord

Ses mandats onusiens sont une carte de visite exceptionnelle, mais ils ne constituent qu'une petite partie du carnet de commandes d'Inventis. La PME trifluvienne fait surtout dans le géomarketing, qui constitue 80 % de son chiffre d'affaires. «On dit qu'une image vaut mille mots, mais chez nous, c'est une carte qui vaut mille mots, dit Mathieu Lahaye. Nous sommes capables de localiser vos concurrents et d'analyser votre environnement socioéconomique.»

Inventis compte une dizaine de salles de spectacle et de cinéma parmi ses clients. Les services d'Inventis ont été particulièrement utiles à l'Orchestre symphonique de Laval. «Leur public était en réalité plus âgé que ce qu'ils croyaient et leur publicité était mal ciblée sur le plan géographique», dit Mathieu Lahaye.

Inventis met souvent ses cartes géographiques au service de PME dans le commerce de détail, mais les grandes entreprises québécoises sont encore difficiles à convaincre. «La France et l'Allemagne sont plus avancées que nous en géomarketing, dit Mathieu Lahaye. Les banques européennes ont toutes des services de géomarketing. C'est une question de concurrence et de densité de la population. Ici, si on est capable de se payer une pub à l'entrée du pont Jacques-Cartier, on rejoint 1,5 million de personnes sans se casser la tête...»

Avec ses trois employés à Trois-Rivières et autant de consultants partout au Québec, Inventis veut conquérir l'Europe. La PME de Trois-Rivières a déjà un pied sur le Vieux Continent, sa technologie étant utilisée par des commissions scolaires belges. «Elles ont besoin de localiser exactement où sont leurs élèves pour mieux gérer les écoles», dit Mathieu Lahaye.

Avenir

Au Québec, Inventis a bon espoir d'augmenter sa clientèle dans le milieu des affaires. Le secteur de la santé est particulièrement prometteur. «Avec la fin de certains brevets et l'arrivée de nouveaux médicaments génériques, la concurrence sera plus féroce entre les pharmaceutiques, dit Mathieu Lahaye. Elles devront cibler leur clientèle de façon plus précise.»

Mathieu Lahaye a travaillé seul dans son appartement durant les deux premières années d'Inventis. «On a fait des profits dès la première année, dit-il. On en fait moins depuis deux ans parce qu'on a engagé du personnel et qu'on a de nouveaux locaux au centre-ville.»

Devenu entrepreneur par défaut, le fondateur d'Inventis a aujourd'hui l'impression d'être assis sur une mine d'or. «Le potentiel de croissance est énorme, dit Mathieu Lahaye. Il y a beaucoup d'enseignement à faire pour que les gens soient plus au courant de notre technologie et de ses avantages. Si on est capables d'en faire la commercialisation, il va y avoir un boom énorme.»