Le marché du voyage d'aventure n'est pas très grand au Québec, mais la concurrence est féroce. Une agence québécoise, Karavaniers, a décidé d'aller voir ailleurs pour poursuivre sa croissance: elle a entrepris d'acquérir une petite agence française, Terres oubliées.

Dans les faits, il s'agit d'une fusion. Mais dans de telles transactions, qu'on parle de grandes Bourses ou d'alumineries, il y a souvent un partenaire un peu plus «égal» que l'autre.

«Le siège social sera ici, la majorité des actionnaires seront ici, l'équipe sera plus importante ici, avance diplomatiquement l'actionnaire principal de la nouvelle entité, Richard Rémy, cofondateur de Karavaniers. Il y a donc une propension naturelle à dire que la direction principale sera ici.»

Le chiffre d'affaires de la nouvelle entreprise dépassera les 8 millions de dollars. Elle emploiera environ 70 personnes à temps plein et à temps partiel au Québec et en France. Chacune des divisions conservera son nom.

«L'idée, ce n'est pas de prendre de l'expansion pour prendre de l'expansion, affirme M. Rémy. Mais si on veut faire des voyages encore plus audacieux, il faut avoir la clientèle. Contrairement aux concurrents qui, actuellement, morcèlent un marché déjà petit, nous voulons aller chercher la clientèle ailleurs.»

Il estime à environ 5000 personnes le bassin de clients au Québec pour le type d'aventures que Karavaniers et ses concurrents offrent, notamment des randonnées et des expéditions en kayak de mer. Le problème avec un si petit bassin, c'est qu'il est difficile d'offrir différentes dates de départ pour chaque circuit. Si une date ne lui convient pas, le client ira voir ailleurs. Et notamment du côté des grandes agences européennes.

«Avec Terres oubliées, nous allons probablement multiplier par trois le nombre de départs», s'enthousiasme M. Rémy.

Karavaniers veut s'inspirer de plusieurs pratiques de Terres oubliées, comme la formation de très petits groupes, huit voyageurs au maximum.

«Ça va contre la tendance du marché, note M. Rémy. Pour abaisser les prix, les autres augmentent la taille des groupes. Mais voilà, nous ne parviendrons jamais à nous battre contre les gros sur le prix. Nous devons aller vers ce que nous pouvons le mieux faire.»

Un premier résultat de la transaction deviendra réalité cette semaine: Karavaniers lancera au Québec une nouvelle division, Karavaniers Nature, qui offrira des voyages d'observation de la nature et de photo animalière conçus par Terres oubliées.

Ce lancement survient alors que la concurrence augmente d'un cran sur le marché. L'agence québécoise Explorateur inaugure cette semaine une nouvelle division, Terra Ultima, qui offrira des randonnées et des voyages d'alpinisme.

Richard Rémy estime que plusieurs de ces voyages ressemblent sérieusement à ceux qu'offre Karavaniers.

«C'est dommage pour le voyageur: au lieu d'offrir de la diversité, on offre la même chose», déplore-t-il.

Il ajoute que les clients potentiels risquent de se diviser entre les deux agences. Cela signifie qu'il sera plus difficile de recruter suffisamment de clients pour faire partir certains circuits plus audacieux, comme la traversée de la terre de Baffin en hiver.

Le directeur de l'exploitation de Terra Ultima, François-Xavier Bleau, affirme que seuls certains circuits sont similaires. Il ajoute que ces voyages se distingueront de ceux de Karavaniers parce que Terra Ultima y apportera la «touche Explorateur», l'accent sur le côté culturel: les populations locales, la nourriture.

Il ajoute que, pour que la clientèle suive Terra Ultima dans des destinations vraiment différentes, comme le mont Ararat ou le Kamchatka, il faut d'abord lui offrir des destinations plus connues, comme le Pérou et le Népal.

«Pour le reste, dans le trekking, on ne peut pas réinventer la planète», lance-t-il.

Plusieurs autres agences québécoises offrent des voyages d'aventure.

«Elles sont petites, mais lorsqu'on les additionne, ça équivaut à deux grosses», note M. Rémy.

Et il y a les grandes agences, comme Expéditions Monde, acquise il y a quelques années par l'australienne World Expeditions. L'agence offre 600 circuits en anglais et 157 en français, avec un grand nombre de dates de départ. L'agence se distingue en utilisant essentiellement des guides locaux.

«Les gens pensent que nous faisons cela pour épargner de l'argent, affirme la directrice de World Expeditions au bureau d'Ottawa, Nathalie Gauthier. En fait, c'est plus cher, parce qu'il faut former ces gens. Mais ça donne une plus grande saveur locale.»