D'où viendra la relève de Québec inc. en Bourse?

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Alors que les premières émissions d'actions se multiplient dans les économies voisines, où des entreprises profitent du regain boursier, les entrepreneurs québécois boudent cette source de capitaux.

Depuis deux ans, le Québec a produit seulement trois nouvelles inscriptions à la Bourse de Toronto, dont une provenant d'un transfert de la Bourse junior TSX-Croissance.

Cette «diplômée» est l'entreprise de restauration-minute MTY de Montréal, dont la capitalisation boursière a cru de 40%, à 270 millions de dollars, depuis son passage à la Bourse principale en mai 2010.

Parmi les deux seules nouveautés québécoises en Bourse, il y a la fiducie immobilière Hombourg et son actif pancanadien de 6,9 millions de pieds carrés de locaux commerciaux et de 1725 logements locatifs.

Neuf mois après son inscription, Homburg a une capitalisation de 442 millions en dépit de sa notoriété limitée hors de l'immobilier.

En comparaison, l'autre inscription québécoise à Toronto est de notoriété très publique. Il s'agit du détaillant à escompte Dollarama dont la courte expérience boursière - depuis octobre 2009 - s'est avérée éclatante.

En 15 mois, et au fil d'émissions secondaires, Dollarama a atteint les 2 milliards en capitalisation, ce qui lui a vite valu une place à l'indice S&P/TSX.

De l'avis de financiers d'entreprises, le succès boursier de Dollarama montre que le milieu d'affaires québécois peut encore produire des entreprises à succès et susceptibles d'attirer les investisseurs.

En revanche, soulignent-ils, ce succès illustre que «la barre est maintenant pas mal plus élevée qu'avant» pour justifier une inscription en Bourse par l'entremise d'un PAPE, c'est-à-dire un premier appel public à l'épargne dans le jargon financier.

«Nous n'en sommes plus du tout à l'époque des PAPE de 10 à 15 millions, au cours des belles années du REA (régime d'épargne-actions) au Québec», souligne Alain Auclair, chef du financement d'entreprises au Canada pour la banque suisse UBS.

«La taille minimale d'un PAPE est rendue à 50 millions. Et même 100 millions si on veut aussi attirer les investisseurs institutionnels, qui sont devenus très influents en Bourse.»

En ce sens, Alain Auclair constate le peu d'entreprises québécoises qui seraient mûres pour un PAPE d'une ampleur suffisante.

«Il y a un regain d'intérêt des entrepreneurs envers la Bourse, mais encore beaucoup de doute sur les coûts et la pertinence d'un tel moyen de financement. En contrepartie, les projets d'émissions secondaires se multiplient parmi les entreprises québécoises qui sont déjà en Bourse.»

Chez la firme Ernst&Young, à Montréal, Sylvain Boucher, associé en financement d'entreprises, constate qu'avec le resserrement des normes boursières au fil des ans, c'est devenu «très cher» pour une PME d'effectuer un PAPE et d'en faire le suivi de gestion.

Aussi, note-t-il, «les fins de trimestre arrivent rapidement par la suite pour les dirigeants de ces entreprises».

Ce fut le constat fait récemment par Julien Métivier, chef de la direction d'IPL, une étoile beauceronne dans le plastique.

Après deux décennies en Bourse, où IPL était entrée avec le REA en 1985, l'entreprise s'en est retirée l'automne dernier après son rachat pour 94 millions mené par le Fonds FTQ et la firme Novacap, de Longueuil.

«Nous aurions pu nous passer de ça (la Bourse). Nous aurions pu, à l'époque, se financer autrement», a commenté M. Métivier, 72 ans, au quotidien Le Soleil en marge de la dernière assemblée d'actionnaires d'IPL.

«Les exigences de gouvernance (en Bourse) a imposé une charge de travail que nous aurions pu déployer autrement pour percer de nouveaux marchés. Et vouloir satisfaire nos actionnaires à chaque trimestre, ça incite à gérer à court terme.»

Selon des banquiers d'affaires, le rachat d'IPL par des fonds de capital-risque est un exemple des «alternatives» à la Bourse qui sont maintenant disponibles aux PME en croissance.

«L'absence de PAPE au Québec ne signifie pas que ces PME ont de la difficulté à trouver des capitaux. En fait, il y a plus de firmes d'investissement (private equity) qui se font concurrence pour investir dans des PME à bon potentiel de croissance. Ça leur vaut souvent des offres concurrentielles par rapport à la Bourse», a indiqué le directeur d'une filiale boursière d'une grande banque canadienne.