Un éléphant qui accouche d'une souris: c'est peut-être la meilleure façon de décrire le programme d'Investissement Québec censé voler au secours des stations de ski.

Lancé en juin 2008, le programme prévoyait une enveloppe de 56 millions spécialement dédiée aux stations de ski. L'idée: des prêts pour moderniser les infrastructures comme les remontées mécaniques ou le chalet, des projets que les stations sont souvent incapables de financer à même leurs liquidités.

Or, deux ans et demi plus tard, un seul prêt de 230 000$ a été octroyé.

«Le programme d'Investissement Québec ne fonctionne pas», constate Alexis Boyer, directeur des affaires publiques à l'Association des stations de ski du Québec (ASSQ).

Où est le pépin? L'ASSQ pointe les taux d'intérêt trop élevés exigés par Québec et le fait qu'Investissement Québec demande souvent d'avoir une garantie de premier rang sur les principaux actifs de la station pour prêter.

Selon Investissement Québec, seulement six dossiers ont été traités depuis la création du programme, dont un seul a abouti (celui du Mont-Sainte-Marie, en Outaouais).

Mont-Saint-Sauveur International fait partie des entreprises qui ont soumis une demande à Investissement Québec.

«Ils ont dit oui, mais leurs conditions étaient moins bonnes que ce qu'on pouvait avoir avec notre institution financière», dit Louis-Philippe Hébert, président et chef de l'exploitation de Mont Saint-Sauveur International, qui a finalement obtenu son prêt ailleurs à de meilleurs taux.

«Moi, ce que j'ai vu là-dedans, c'est une volonté politique de montrer qu'il y a quelque chose qui se fait. La perception que j'ai, c'est que les gens d'Investissement Québec avaient un peu les mains liées et ne pouvaient pas faire grand-chose pour nous», dit-il.

Investissement Québec se défend d'imposer des taux d'intérêt trop élevés.

«Tous les dossiers sont évalués selon des critères très rigoureux. Plus le niveau de risque est élevé, plus le taux d'intérêt est élevé. Ça s'applique à tous les types d'entreprises et à tous les secteurs d'activité», dit la porte-parole Josée Béland.

Quand aux garanties, Mme Béland explique qu'elles sont aussi déterminées en fonction des risques.

«Ça demeure l'argent des contribuables. Quand un projet est à risque, il faut qu'on prenne des garanties. Dans le cas d'une station de ski, qu'avez-vous comme garantie? La remontée-mécanique, l'équipement, les bâtisses», dit Mme Béland.

Alexis Boyer-Lafontaine, de l'Association des stations de ski, estime qu'Investissement Québec surévalue le risque des stations de ski.

«Nous, à ce moment-ci, on pense que cette évaluation-là est trop élevée. C'est un problème qui dépasse les stations de ski et qui touche toute l'industrie touristique.»

Le programme de prêts de Québec se poursuit jusqu'en juin prochain. Selon Investissement Québec, un dossier supplémentaire est actuellement à l'étude.

Michel Archambault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l'UQAM, croit qu'il est urgent que les stations de ski québécoises aient accès à des sources de financement.

«Il s'est peu investi d'argent dans le ski au Québec comparativement aux États-Unis ou même en Ontario au cours des dernières années», observe le chercheur.

Selon lui, les 50 à 60% des stations du Québec qui appartiennent à des municipalités ou sont enregistrées comme organismes sans but lucratif ont accès à de meilleurs programmes que les stations privées.

«Il y a un besoin pour un programme permettant aux stations privées de se moderniser», dit-il, indiquant que l'Ontario a récemment accouché d'un programme de prêts sans intérêt pour les stations de ski.