Dans la foulée de la crise économique et des temps durs dans les secteurs bovin et porcin, l'agriculture québécoise a perdu environ 10 000 emplois en moins de deux ans. Une constatation qui inquiète l'Union des producteurs agricoles (UPA).

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Entre 2005 et 2008, le travail à la ferme générait grosso modo de 60 000 à 65 000 emplois au Québec. Or, ce nombre est passé à 51 000 emplois en août 2010, a constaté l'économiste en chef de l'UPA, Charles-Félix Ross, à partir de données de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada.

Ça ne semble pas être une anomalie statistique d'un seul mois. Depuis avril, le nombre d'emplois a navigué entre 49 000 et 51 500, selon les données mensuelles désaisonnalisées.

Dans un article publié dans le dernier numéro de La Terre de chez nous, M. Ross s'inquiétait de ce recul des emplois agricoles, après plusieurs années de relative stabilité. «Est-ce que cette baisse est temporaire, est-ce qu'il y aura une relance?» s'est-il demandé dans une entrevue à La Presse Affaires, hier.

L'économiste n'a pas d'explication définitive au phénomène, mais il avance une hypothèse. «Je pense que c'est dû à une fragilisation de la situation financière de plusieurs centaines d'entreprises agricoles dans des secteurs difficiles, explique-t-il. C'est ça qui commence à poindre.»

À force de bas prix et de mauvaises récoltes, la deuxième moitié de la décennie a été particulièrement difficile dans certains secteurs agricoles comme l'élevage du porc ou du veau d'embouche. Si des agriculteurs ont réduit le nombre d'employés à la ferme, d'autres ont tout simplement cessé leurs activités. La baisse des valeurs assurées et du nombre d'adhérents au programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles pointe aussi dans cette direction.

«On ne peut pas encore prouver hors de tout doute le lien de cause à effet entre les crises qu'ont connues certains secteurs et le nombre d'emplois aujourd'hui, mais il y a là une logique économique», a commenté Daniel-Mercier Gouin, professeur en agroéconomie à l'Université Laval.

Il s'est d'ailleurs dit surpris de l'ampleur de la baisse révélée par les statistiques. «Ce n'est pas une bonne nouvelle.»

Au bureau du ministre de l'Agriculture Laurent Lessard, on préfère analyser les chiffres en profondeur avant de les commenter. L'attaché de presse Sylvain Bourassa souligne néanmoins que, depuis 2008, le gouvernement a mis en place différentes mesures pour favoriser la relève agricole, dont un fonds d'investissement de 75 millions de dollars. Ces mesures devraient soutenir le nombre d'emplois dans le secteur, soutient M. Bourassa.

«Secteur fragilisé»

Selon Charles-Félix Ross, les retards de paiement et les dossiers de recouvrement seraient aussi en légère augmentation, résultat d'une hausse de l'endettement dans les dernières années. «Ce n'est pas la débandade, mais tous ces éléments combinés indiquent que le secteur est fragilisé».

L'économiste s'attend même à une baisse des recettes agricoles en 2010 (avec ou sans les paiements des programmes de l'État), «ce qui va à l'encontre de la tendance des 20 dernières années». La hausse des prix du blé et du maïs, de même que la nouvelle vigueur des prix du porc, pourrait toutefois améliorer la situation à court terme.

Le nombre de travailleurs étrangers dans les fermes québécoises n'est pas considéré dans l'Enquête sur la population active. Il a grimpé de 3800 à 6600 entre 2005 et 2008, pendant que les données de Statistique Canada restaient stables.

Selon les prévisions de la Fondation des entreprises en recrutement de main-d'oeuvre agricole étrangère (FERME), un millier de travailleurs étrangers se seront ajoutés entre 2008 et 2010, une hausse minime en comparaison avec le recul de 10 000 emplois affiché dans les données de Statistique Canada pour la même période.

Le Québec compte environ 29 000 fermes.