Malgré les hauts cris des producteurs, la Financière agricole a officialisé les dernières mesures de resserrement au Programme d'assurance stabilisation du revenu agricole (ASRA), incluant un critère d'efficacité des fermes très mal reçu par les agriculteurs. L'Union des producteurs agricoles (UPA) entend «passer à l'action» et prédit un affrontement.

L'ASRA, un programme vital qui verse des compensations aux agriculteurs dans les temps durs, était dans une impasse financière après plusieurs années difficiles dans le secteur. La Financière agricole, qui gère le programme, accumulait les déficits.

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Plusieurs mesures de redressement ont été adoptées en décembre, tandis que les plus controversées ont fait l'objet de discussions à la dernière séance du conseil d'administration de la Financière, mercredi dernier.

Parmi les quinze membres du conseil, les cinq qui proviennent de l'UPA ont exprimé leur dissidence par rapport à l'adoption de la mesure d'efficacité des fermes, la plus contestée par les producteurs. Celle-ci modifiera le calcul des compensations de l'ASRA en éliminant les coûts de production du quart des fermes les moins efficaces.

Le coût de production moyen diminuera donc, et les compensations financières aussi. Ce système entrera en vigueur dès cette année pour les producteurs de céréales, puis l'année prochaine pour les productions animales.

«C'est une décision malheureuse et lourde de conséquences, qui témoigne d'une grande insensibilité des gens de la Financière à l'égard de ce que les producteurs vivent depuis trois ou quatre ans, affirme le président de l'UPA, Christian Lacasse. Ils ne pourront pas encaisser une coupe comme celle-là. C'est trop.»

Dans un communiqué, l'UPA affirme que les administrateurs de la Financière ont fait preuve d'un «manque de courage inacceptable». En entrevue à La Presse Affaires, le président-directeur général de l'organisme, Jacques Brind'Amour, dit exactement le contraire. «La majorité du conseil a pris ses responsabilités et a eu le courage de prendre des décisions.»

L'UPA craint la faillite de nombreuses entreprises agricoles et évoque le point de rupture.

De son côté, Jacques Brind'Amour convient que les mesures de resserrement auront des impacts, «mais je ne pense pas qu'elles vont déstructurer l'agriculture», précise-t-il. «Une fois que ces mesures de resserrement ont été prises, est-ce que les agriculteurs québécois sont toujours les mieux protégés et les mieux soutenus au Canada? La réponse est oui.»

Le Ministère de l'Agriculture a prévu 20 millions de dollars pour la mise en place de mesures d'adaption à la nouvelle formule de l'ASRA. Le ministère annoncera les détails dans quelques semaines.

Mais Christian Lacasse n'en démord pas. «On va passer à l'action. On ne lâchera pas là-dessus. Cette mesure-là va trop loin. Il ne faut pas faire l'erreur d'attendre un an ou deux. Il sera trop tard. Il y aurait eu d'autres choix pour éviter l'affrontement. Là, il y aura un affrontement.»

Bataille de chiffres

La Financière évalue que la mesure d'efficacité diminuera de 3% en moyenne le revenu des agriculteurs qui reçoivent une compensation de l'ASRA. Cela équivaut à environ 75 millions par année, sur un total de 111 millions de compressions.

Mais l'UPA estime à plus de 160 millions les coupes associées à l'ensemble des mesures de redressement de l'ASRA. Selon le syndicat, la Financière dégagera des surplus de 80 à 100 millions par année dans les cinq prochaines années, aux dépens des agriculteurs.

La Financière rétorque que dans son calcul, le syndicat oublie certains paramètres, dont le coût des intérêts du déficit de l'ASRA, et qu'il exagère certaines données et prévisions.

Notons que la Financière a reporté l'entrée en vigueur d'une autre mesure controversée, cette fois liée à la rémunération de l'exploitant, et qui affectait principalement le revenu des producteurs de céréales.

Par ailleurs, la patience a payé pour l'UPA et la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ). Le premier budget du ministre des Finances Raymond Bachand prévoit la création d'un fonds de capital patient de 75 millions.

Ce fonds, mis de l'avant depuis plusieurs années par la FRAQ, permettra à des jeunes d'obtenir de l'aide financière (prêts, investissement en capital-actions, location-achat de terres) pour se lancer dans la production agricole.

Le fonds ne s'adressera toutefois pas aux enfants d'agriculteurs. Pour eux, le ministre Bachand «cherche encore la solution», a-t-il indiqué à La Terre de chez nous.

Le gouvernement versera 25 millions dans le Fonds d'investissement pour la relève agricole. Desjardins et le Fonds de solidarité FTQ y ajouteront des contributions équivalentes.