Hydro-Québec a de ces secrets que d'autres n'ont pas. Ainsi en est-il du prix des couvercles de ses chambres souterraines - qu'on appelle communément les trous d'homme - qui, chez la société d'État, est considéré comme «une donnée confidentielle».

L'histoire remonte à l'automne dernier. Afin de comparer ce que divers organismes publics paient pour leurs couvercles de chambres souterraines, La Presse Affaires en demande le prix à la Ville de Montréal, à celle de Drummondville et à Hydro-Québec. Les deux villes ont répondu sans hésitation, après un simple coup de téléphone. Chez Hydro-Québec, c'est plus complexe.

Dans un courriel envoyé le 13 novembre dernier, un des attachés de presse de la société d'État, Louis-Olivier Batty, écrit qu'«en raison des nombreuses recherches que suscite votre demande sur les couvercles des chambres souterraines du réseau de distribution d'Hydro-Québec, nous vous invitons à faire une demande d'accès à l'information auprès de Mme Stella Leney». Ce fut chose faite trois jours plus tard.

Le 2 décembre, c'est au tour d'Évelyne Racette, de la direction principale, environnement et affaires corporatives, de prendre la plume pour accuser réception de la demande.

Douze jours plus tard, la réponse vient de Marie-Josée Nadeau, vice-présidente exécutive aux affaires corporatives et secrétaire générale. Elle souligne d'abord qu'«Hydro-Québec ne procède plus directement à l'achat des couvercles de chambres souterraines depuis 2005». Ces acquisitions se font désormais par les entrepreneurs sous contrat avec la société d'État.

Elle révèle ensuite que les trois derniers achats qu'a faits Hydro en 2004 ont coûté, globalement, 11 516,25$, 4606,50$ et 13 051,75$. La secrétaire générale refuse par contre d'indiquer le nombre de couvercles achetés dans ces lots. «En effet, écrit-elle, ce renseignement dévoilerait le prix unitaire de chaque couvercle et cette donnée est confidentielle.»

Hydro-Québec invoque les articles 21 et 22 de la Loi sur l'accès à l'information pour refuser de divulguer le prix des couvercles. Le deuxième article souligne notamment qu'un organisme peut garder une information secrète quand «la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat».

Au téléphone, M. Batty explique qu'il «ne faut pas que les soumissionnaires sachent le prix (payé dans le passé)», pour préserver une saine concurrence.

Après avoir reçu la réponse officielle d'Hydro, nous avons joint deux autres acheteurs de ce type de couvercle: la Ville de Laval et une entreprise privée, Gaz Métro. Dans les deux cas, il leur aura fallu à peine quelques jours pour fournir l'information demandée.

La Presse Affaires a décidé d'interjeter appel de la décision d'Hydro-Québec devant la Commission d'accès à l'information.

À son dernier congrès, l'automne dernier, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, la FPJQ, a décerné son prix de la Noirceur à Hydro-Québec. Ce prix nouvellement créé vise à mettre en lumière «l'organisme public qui manifeste le moins de transparence et pose le plus d'obstacles à la diffusion de l'information».

Le prix lui a été décerné après qu'une journaliste eut tenté d'avoir accès à des clients mécontents. «Hydro-Québec a essayé de cacher des informations de grand intérêt public, a souligné la FPJQ, a nié le problème en faisant sciemment perdre son temps à une journaliste, mais a aussi saboté sa recherche par derrière.»

Et les prix?

Les couvercles de rue les moins chers sont chez Gaz Métro, à 132$ l'unité. Mais ils sont beaucoup plus petits que ceux utilisés par les villes. La comparaison tient donc mal la route. Pour les villes, les comparaisons sont aussi difficiles, parce que les caractéristiques techniques varient de l'une à l'autre. À Laval, le prix du couvercle de 77,5 cm est de 270,10$, comparativement à 279,77$ à Drummondville. À Montréal, un couvercle en fonte grise se détaille 227,40$, mais un autre en fonte ductile - plus résistante - vaut 376,97$.

Pour joindre notre journaliste: spaquet@lapresse.ca