S'estimant jugé et condamné d'avance en raison de l'attention médiatique soutenue et virulente dont il est l'objet depuis août 2005, Vincent Lacroix demande au juge Richard Wagner de décréter un arrêt du processus judiciaire dans le procès criminel qu'il doit avoir en septembre. C'est l'unique remède, croit-il.

Cette requête, qui a été déposée hier au palais de justice de Montréal par Me Marie-Hélène Giroux, avocate de Lacroix, prend ses assises sur des articles de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment la présomption d'innocence et le droit à un procès et équitable. Pourchassé à sa sortie de prison en juillet dernier, traité de «crapule» à répétition dans le Journal de Montréal, prenant les traits d'un diable sous le coup de crayon du caricaturiste de La Presse, cette présomption d'innocence est devenue toute théorique pour Lacroix, soutient-on dans la requête. La requête soulève également la problématique du «chevauchement» des deux procès, qui sème la confusion et qui serait injuste pour Lacroix. On parle bien sûr du procès intenté par l'Autorité des marchés financiers qui a eu lieu en 2007, et le procès criminel à venir.

Le juge Wagner est déjà saisi d'une requête en arrêt du processus de la part de Lacroix, dans son procès criminel. Cette requête, plaidée en juin dernier, alléguait qu'on ne pouvait le juger deux fois pour les mêmes fautes. La Couronne, elle, ne voit pas du tout les choses du même oeil, et considère qu'un procès criminel est essentiel. Le juge doit rendre sa décision le 9 septembre à ce sujet. La requête déposée hier pourrait aussi être discutée à ce moment.

Rappelons que Lacroix, accusé d'avoir détourné 115 millions de dollars que 9200 petits épargnants avaient investis, doit avoir à partir du 14 septembre un procès sous 198 accusations de fraude, fabrication de faux et blanchiment d'argent, et deux de complot. Cinq ex-collaborateurs de Norbourg, société fondée par Lacroix, seront jugés conjointement avec lui. Il s'agit cette fois d'un procès devant juge et jury, alors que celui que lui a intenté l'Autorité des marchés financiers s'est tenu devant juge seul. Justement, à ce sujet, Lacroix croit qu'il sera très difficile, voire impossible, de trouver 12 jurés impartiaux pour le juger.

Rappelons enfin que Lacroix a été déclaré coupable de 51 infractions à la Loi des valeurs mobilières, au terme de son premier procès, ce qui lui a valu une peine de 12 ans de prison. Cette peine, réduite à huit ans et demi par la Cour supérieure, a été réduite de nouveau, cette fois à cinq ans moins un jour, la semaine dernière, par la Cour d'appel. Ceci parce que les peines prévues au Code de procédures pénales ne peuvent être consécutives, selon la plus haute cour de la province.