Passer une semaine dans la baie d'Ungava, à l'extrême nord du Québec, n'est pas ce qu'on appelle une destination naturelle pour les Québécois. Et encore moins pour les Américains.

Pourtant, des milliers d'amateurs paient une fortune chaque année pour séjourner quelque temps dans cette contrée lointaine. Il s'agit des amateurs de la chasse au caribou, activité touristique très lucrative pour cette région nordique.

 

Année après année, des résidants américains de Dallas ou de New York prennent deux vols à partir de Montréal pour se rendre dans un camp de chasse, à quelques kilomètres de Kuujjuaq. Le séjour coûte environ 6500$ par chasseur, ce qui inclut l'hébergement, la nourriture et un guide de chasse.

Cette manne pour les habitants du Grand Nord semble toutefois s'être tarie ces dernières années avec la montrée fulgurante du dollar canadien et la récession américaine.

Selon les données préliminaires du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec, seulement 5656 permis de chasse au caribou ont été délivrés en 2008, la moitié des 12 604 de 2007. Et la saison 2009, qui va de la fin août à la fin octobre, ne s'annonce guère plus joyeuse.

«Nous sommes à un plancher historique, dit Marc Plourde, PDG de la Fédération des pourvoiries du Québec.

Le recul des permis est particulièrement important chez les non-résidants du Québec, essentiellement des Américains. En 2008, seulement 2405 permis leur ont été livrés, comparativement à 6620 en 2007 et 8332 en 2003.

«Avec l'environnement de récession, certains se retiennent de dépenser ou vont moins loin pour chasser. C'est un peu catastrophique pour les régions. Les garagistes, restaurants et autres commerces en souffrent», affirme Nicolas Laurin, PDG de Safari Nordik, qui offre des forfaits de chasse au caribou.

Ce phénomène est plus marqué pour la chasse au caribou, mais la désertion des touristes américains est également manifeste dans d'autres segments de la chasse et de la pêche. Par exemple, la chasse à l'ours noir, en juin, a perdu un millier d'adeptes américains entre 2006 et 2008 (3027 permis délivrés en 2008).

Quant à la pêche, les 49185 permis demandés par les non-résidants en 2008, tout type de prise confondue, représente un recul de 22% depuis 2002. «Je connais certaines pourvoiries qui n'ouvriront pas cette année», dit Nicolas Laurin.

La crise financière et ses impacts sur l'économie américaine expliquent cette dégringolade. L'augmentation constante du dollar depuis 2002 est aussi montrée du doigt.

En janvier 2002, le huard valait 62,80 cents US. En grimpant jusqu'à 1,08 en novembre 2007, le dollar a rendu passablement moins attrayante la petite escapade de chasse dans le Grand Nord. Pour un Américain, un même forfait a pu grimper de 50 ou 70% à cause du dollar, tout étant égal par ailleurs.

Et c'est sans compter l'explosion des prix du carburant, qui a alourdi la facture de transport en avion, fait remarquer Marc Plourde, de la Fédération des pourvoiries du Québec.

En 2009, certes, le dollar canadien et le prix de l'essence ont reculé par rapport à leur sommet, mais plusieurs prédisent qu'une remontée est à prévoir à moyen terme, notamment pour l'essence.

«Pour y remédier, nous développons des outils internet pour atteindre notre clientèle. Nous cherchons également à rejoindre les chasseurs européens, avec des intermédiaires de voyage», dit M. Plourde.

Nicolas Laurin fait valoir l'importance de la chasse et de la pêche. Au Québec, il s'agit d'une industrie de quelque 150 millions de dollars, dont près de 80% est géré par des pourvoiries privées.

Selon M. Laurin, le Québec est l'un des endroits dans le monde qui offre le plus de lacs et ses attraits pour la chasse sont recherchés par une clientèle cossue. «Au golf, quand on atteint son apogée, on va sur un terrain en Écosse. Pour la chasse et la pêche, c'est le Québec», dit M. Laurin.

Quand les Américains choisissent le Québec comme destination de chasse, ils peuvent dépenser 1000$ par jour pour leurs forfaits. «On parle souvent de l'importance du secteur forestier pour les régions. Mais la chasse et la pêche sont aussi très importantes», dit-il.

 

PERMIS DE CHASSE PAR CATÉGORIE

Nombre de permis En pourcentage délivrés du total

Cerf de Virginie (continent) 171 859 32,3%

Petit gibier 169 493 31,8%

Orignal 165 581 31,1%

Ours noir 13 876 2,6%

Caribou 5656 1,1%

Autres 3184 0,6%

Cerf de Virginie (Anticosti) 2990 0,6%

TOTAL 532 639 100%

Source: Ressources naturelles et Faune Québec, données préliminaires de 200

 

PERMIS DÉLIVRÉS AU QUÉBEC DEPUIS 10 ANS

Chasse

Aux résidants /Aux non-résidants /Au total

1998 481 331/ 19 311 /500 642

2003 483 489 /22 621 /506 110

2008 519 948/ 12 691 /532 639

Pêche

Aux résidants Aux non-résidants Au total

1998 711 896 /61 057 /772 953

2003 678 482 /59 942 /738 424

2008 689 409 /49 185 /738 594

Source: Ressources naturelles et Faune Québec

 

LES AMÉRICAINS BOUDENT LA CHASSE AU QUÉBEC

(Nombre de permis délivrés à des non-résidants)

TYPE DE GIBIER

Caribou /Ours noir Cerf de Virginie d'Anticosti

2002 8167/ 4104 /2616

2003 8332/ 4079 /2597

2004 8285/ 4301 /2030

2005 6940 /4136 /2201

2006 7098 /3981/ 1759

2007 6620/ 3753/ 1768

2008 2405/ 3027/ 709

Recul sur six ans 71% /26%/ 73%

Source : Ressources naturelles et Faune Québec